WORLD WRESTLING FEDERATION
MADISON SQUARE GARDEN #10
24/10/1977
« Superstar » Billy Graham règne toujours en maître incontesté sur le territoire de la World Wide Wrestling Federation, alors que l’espoir qu’un Bruno Sammartino ne retrouve un jour les hautes cimes de la gloire s’évapore progressivement.
Vince McMahon nous retrouve aux abords du ring du Madison Square Garden, mythique salle de spectacle de New York City, arène au prestige déjà largement ancré dans la culture populaire.
MATCH 1 : JOHNNY RODZ VS LARRY ZBYSZKO (09:29)
VAINQUEUR : LARRY ZBYSZKO
PRISE DE FINITION : PETIT PAQUET
INDICATEUR : ** ½
Jouant à domicile, celui qu’on surnomme « Unpredictable » Johnny Rodz est pourtant sifflé, le public étant au fait de son caractère farouche. Son adversaire, alors sous la tutelle d’un certain Bruno Sammartino, est annoncé comme « The Polish Prince », surnom attribué par l’annonceur à Larry Zbyszko.
On se tourne autour et des droites et des gauches fusent dans le vent, un peu à la manière d’un combat de boxe. Un premier contact voit Rodz se sortir d’un Overhead Wristlock et écraser le visage de Zbyszko dans le coin. Ce dernier réplique avec énergie et se lâche sur Rodz, le martelant à coups de poing. Rodz revient et utilise les cordes pour donner plus d’impact à ses coups. Un Splash ne suffit pas et Zbyszko se retire in-extremis d’un autre, laissant Rodz retomber à plat ventre au tapis. Sur une projection, le jeune prodige parvient à l’enrouler dans un petit paquet pour le compte de trois, au terme d’un opener plutôt correct dans son ensemble.
MATCH 2 : « PRETTY BOY » LARRY SHARPE VS JOHNNY RIVERA (10:22)
VAINQUEUR : LARRY SHARPE
PRISE DE FINITION : SUPLEX
INDICATEUR : ½ *
Affublé d’une ridicule combinaison rose pâle et jetant des fleurs dans le public, « Pretty Boy » Larry Sharpe se présente sous les sifflets du Madison Square Garden. Le catcheur du New Jersey se mesure ce soir au portoricain Johnny Rivera, déjà sur le ring, lui renvoyant d’office l’une de ses fleurs.
On commence par une sorte d’affrontement technique, chacun usant de sa Wristlock où de son Hammerlock. Le rythme du match, s’il y en avait un, en prend un sévère coup. Chaque tentative d’un Johnny habituellement plutôt agile est instantanément tuée par Sharpe qui le maintient au sol de longues minutes. De très longues minutes qui semblent être une éternité et même si on relève ici et là quelques vaines tentatives de Rivera, dont une se soldant par un écrasement plus que brouillon de Sharpe, on s’ennuie à mourir. « Pretty Boy » esquive un saut chassé de Rivera et lui assène une Front Suplex (encore une fois peu esthétique) qui lui suffit heureusement pour l’emporter, concluant enfin ce mauvais match.
MATCH 3 : PAUL VACHON VS LENNY HURST (05:59)
VAINQUEUR : PAUL VACHON
PRISE DE FINITION : HANGMAN’S NOOSE
INDICATEUR : * ¼
Paul Vachon, frère de Maurice « Mad Dog » et de Vivian Vachon, effectue apparemment son retour au Madison Square Garden, d’après les informations de McMahon. Ce véritable roublard et vétéran des rings canadiens se mesure ce soir au jeune et bondissant jamaïcain, Lenny Hurst, qui se tient debout sur le ring.
Celui qu’on surnomme « Le Boucher » y va de ses lourdes claques, portées à l’ancienne. Vachon ne lésine pas sur ses habituelles tactiques de « salaud » (terme utilisé par Roland Barthes pour désigner le méchant dans le catch). Morsures, griffures et étranglements, tout y passe. Hurst s’en démène et, chaud bouillant, envoie Vachon au tapis avec une planchette japonaise. Lucide, Vachon a toutefois la jugeote d’appliquer son Hangman’s Noose, prise de soumission redoutable à Hurst, qui n’a d’autre choix que de jeter l’éponge presque instantanément. Sourire aux lèvres, Vachon quitte l’arène en scandant « 1…2…3… Vachon ! »
MATCH 4 : LEILANI KAI & KITTY ADAMS VS LITTLE HEART & VIVIAN ST. JOHN (10:43)
VAINQUEURS : LEILANI KAI & KITTY ADAMS
PRISE DE FINITION : DOUBLE SIDE SLAM
INDICATEUR : * ¾
Nous sommes en droit de nous interroger, nous passionnés contemporains, sur le sort de ces catcheuses et sur la place qu’elles occupent sur la carte d’un tel programme. Ce sont ici les prémices d’un phénomène qui mit du temps à s’affirmer pour qu’aujourd’hui, triomphe le catch féminin dans les hautes sphères des plus grandes structures du monde. Leilani Kai, entraînée par The Fabulous Moolah (qui a probablement entraîné toutes les catcheuses de l’époque) et future Championne féminine de tempérament, fait ici ses débuts au Madison Square Garden. On peut ajouter qu’elle prit part au WrestleMania inaugural en 1985, réitérant 10 ans plus tard à WrestleMania X en 1994. Sa partenaire se nomme Kitty Adams, catcheuse visiblement expérimentée sur laquelle j’ai peu d’informations à renseigner. Leurs adversaires sont un tandem composé de Little Heart, possédant une gimmick d’amérindienne et de Vivian St. John, catcheuse du circuit américain des années 1970.
Cette dernière, que McMahon confond une grande partie du match avec Vivian Vachon (sans doute encore sous le coup du match précédent) subit les étranglements incessants de ses vicieuses adversaires alors qu’un arbitre impuissant ne sait pas se faire entendre. Hystérique, Kai refuse souvent de combattre, laissant sa partenaire s’occuper de St. John. Les choses changent lorsque Little Heart entre sur le ring, pleine d’énergie en entamant sa danse rituelle, à la manière d’un Chief Jay Strongbow ! Elle est toutefois sournoisement prise à partie par Kitty et Kai et succombe à un Double Side Slam. L’arbitre octroie donc la victoire à Kai et à sa partenaire, au terme d’un match encore relativement brouillon mais tellement intéressant quant à l’évolution du genre féminin sur les rings de catch.
MATCH 5 : WORLD WIDE WRESTLING FEDERATION TITLE MATCH : TEXAS DEATHMATCH : DUSTY RHODES VS « SUPERSTAR » BILLY GRAHAM © W/GRAND WIZARD OF WRESTLING (10:12)
VAINQUEUR : « SUPERSTAR » BILLY GRAHAM
PRISE DE FINITION : COLLISION
INDICATEUR : ***
Tout le Madison Square Garden se lève à l’unisson pour accueillir « The American Dream » Dusty Rhodes, figure extrêmement populaire et plus énergique que jamais ! « Dream » est remonté à bloc et se tient à la manière d’un Muhammed Ali, envoyant des droites et des gauches en attendant son adversaire. Après avoir fait voler son béret dans le public, Dusty clame dans le microphone de McMahon « I am the Hit Maker, the Record Breaker » et compte arracher l’or des hanches de son antagoniste. « Superstar » Billy Graham se présente sous une pluie de sifflets, accompagné de son diabolique manager, the Grand Wizard of Wrestling. Graham remet ce soir sa ceinture de Champion de la World Wide Wrestling Federation en jeu dans des circonstances particulières : il s’agit d’un Texas Deathmatch, où toutes règles sont proscrites !
Ayant à peine eu le temps de retirer son t-shirt, Graham est victime d’un assaut de Rhodes et se fait envoyer à l’extérieur du ring. « Common Man » cueille ensuite Graham avec une série de Bionic Elbows et l’envoie de nouveau en contrebas. La situation dégénère le Champion écrase le visage de son challenger contre les barrières métalliques. « Superstar » s’empare ensuite d’une corde et s’empresse de l’enrouler autour du cou d’un Dusty en sang pour l’étrangler. Ce dernier suffoque et Graham utilise cette corde pour appliquer une pression insoutenable à sa prise de l’ours. Du sang coulant le long de son visage, Dusty lève et place son bras et le public, qui connaît déjà ce geste familier, donne de la voix. Rhodes délivre un Bionic Elbow salvateur et se libère de l’emprise des muscles du Champion. Dusty prend cette corde et c’est cette fois-ci Graham qui est étranglé, renvoyant des images de crucifixion en écartant les bras alors qu’il est dangereusement suspendu par le cou, presque pendu par un Rhodes inarrêtable. Envoyé glisser à plat ventre sur la table de McMahon, Graham s’ouvre au front et supplie son challenger, à genoux. Sauvé d’un tombé en mettant son pied dans les cordes, Graham est en déroute et sur un autre tombé, c’est cette fois Dusty qui prend appui sur les cordes mais l’arbitre refuse de compter ! Se plaignant à juste titre auprès de l’officiel, Dusty est victime d’une charge désespérée de Graham, qui s’écroule littéralement sur le ring. Gisant alors sur un tapis ensanglanté, Graham n’a qu’à faire retomber son bras sur le corps inerte de Rhodes et l’arbitre compte, Rhodes ne se dégageant qu’une seconde trop tard ! Furieux, Dusty mitraille un Graham rouge de sang de Bionic Elbows et force l’arbitre à compter, en vain. Graham est proclamé victorieux et doit rapidement quitter l’arène sous des jets de projectiles, conservant sa ceinture d’une manière plus que discutable. Au terme d’une rencontre sanglante et éprouvante, Rhodes n’y croit pas et n’ira malheureusement jamais plus loin, du moins sous l’égide des McMahon.
MATCH 6 : WWWF TAG TEAM TITLES MATCH : 2 OUT OF 3 FALLS MATCH : MR. FUJI & PROF. TORU TANAKA © W/FREDDIE BLASSIE VS CHIEF JAY STRONGBOW & HIGH CHIEF PETER MAIVIA (23:06)
VAINQUEURS : AUCUN
PRISE DE FINITION : NO-CONTEST
INDICATEUR : * ¾
Accompagnés par l’éternelle grande gueule qu’est « Classy » Freddie Blassie, Mr. Fuji et Prof. Toru Tanaka arborent les ceintures de Champions par équipe, récemment remportés lors d’un tournoi dont la finale s’était tenue lors d’un épisode de Championship Wrestling. Attention toutefois, puisqu’ils font ce soir face à un duo à ne pas sous-estimer. Chief Jay Strongbow, débordant de charisme et High Chief Peter Maivia, l’une des sensations du moment, pourraient créer la surprise.
Tanaka gagne du temps en réalisant son traditionnel rituel d’avant-match mais Maivia qui porte un pansement suite à une récente altercation avec « Superstar » Billy Graham, y va du sien, ce qui n’est pas au goût des Champions ! Quelques petits cafouillages entre Fuji et Tanaka jouent en faveur des challengers mais Maivia est vite acculé dans le mauvais coin, emprisonné de longues minutes (et c’est un euphémisme) dans une prise des trapèzes. Pendant près de 10 minutes et je n’exagère pas, Maivia tente tout ce qu’il peut pour passer le tag à Strongbow, à chaque fois empêché par les tricheries de Fuji et Tanaka. C’est long, abusivement long et lorsque Maivia parvient enfin à faire entrer Strongbow, c’est la débâcle ! Fuji et Tanaka sont mis en déroute alors qu’un autre coup involontaire fait grimper les tensions du côté des Champions. De retour, Maivia perd son pansement et se transforme en un animal sauvage, le visage couvert de son propre sang qu’il lèche. Le samoan envoie une série de coups de tête à Fuji et enchaîne avec un Splash pour enregistrer le premier point au bout de 18 longues minutes (1-0). Le public exulte, se réveillant sans doute d’une manche soporifique. Maivia est chaud comme la braise et pourtant, l’arbitre semble inquiet au sujet de la lacération sur son front. Alors que ce dernier tient à se battre à tout prix, l’officiel de la rencontre prend la dure décision d’arrêter le match, octroyant la seconde manche aux Champions (1-1). La foule est furieuse alors que Maivia est escorté par Strongbow, un fan grimpe même sur le ring, rapidement sorti par les officiels et la police. La troisième manche commence et Strongbow revient, prêt à se battre, même en désavantage numérique. Seul, Strongbow résiste un temps, jusqu’à ce que Maivia ne revienne, un long bandage recouvrant son front. L’intervention provoque toutefois l’arrêt définitif du match alors que l’annonceur déclare qu’il s’agit d’un match nul, réduisant les espoirs du public à néant.
MATCH 7 : STAN STASIAK VS IVAN PUTSKI (02:03)
VAINQUEUR : IVAN PUTSKI
PRISE DE FINITION : COUNT OUT
INDICATEUR : ¾ *
Stan Stasiak, ancien détenteur de l’or suprême, est désormais sur une pente descendante et se présente ce soir pour le dernier combat de la soirée. Face à lui se dresse la montagne de muscles polonaise, j’ai nommé Ivan Putski, toujours aussi populaire.
Alors qu’il saluait la foule, Putski est victime d’un terrible coup bas de Stasiak, qui le martèle ensuite de coups de pied. Le polonais ne se laisse pas abattre de sitôt et revient avec de lourds coups de poing, suivi de son Polish Hammer ! Stasiak roule à l’extérieur du ring et se laisse compter par l’arbitre, le polonais remportant ce court match pour clore ce programme.
Théâtre de l’affrontement retour entre Dusty Rhodes et « Superstar » Billy Graham, ce programme de catch télévisé estampillé World Wide Wrestling Federation ne parvient malheureusement pas à tenir ses promesses. Heureusement redécoupé à une petite heure et demie, cette carte déçoit, en dépit d’un match d’ouverture pourtant assez correct, à mettre au crédit de Zbyszko et de Johnny Rodz. Bien qu’un match de catch féminin reste à cette époque un exotisme un peu brouillon, on ne peut que s’y intéresser compte tenu de l’évolution du genre, qui n’en est évidemment pas resté à ces quelques balbutiements. Je n’ai pas l’habitude de procéder ainsi, mais je me dois de signaler cette véritable purge entre Sharpe et Rivera, tuant un public tout entier et s’inscrivant de fait comme l’un des pires matches de catch que j’ai pu voir jusqu’ici. En Main Event, l’attraction Ivan Putski reste populaire mais tend à s’essouffler. Un grand moment aurait été une victoire de Strongbow et de Maivia, qui échouent pourtant sur un enchaînement de décisions plus que discutables, ruinant ce qui aurait pu être l’un des hauts faits de la carte. Enfin, Dusty Rhodes n’aura pas démérité, repoussant « Superstar » dans ses limites, au terme d’un combat sanglant et éprouvant, ce à quoi j’ajouterais l’adjectif « novateur ». Pour autant, Dusty échoue d’une manière largement controversée, et n’ira vraisemblablement jamais plus loin sur ce territoire. C’est toutefois l’un des premiers grands matches où l’on remarque un désir de repousser les limites, avec plus de violence et de sang, signe précurseur qu’un changement est à l’oeuvre et que la face du catch s’apprête à être bouleversée, d’une manière où d’une autre.
Nathan Maingneur