WORLD WRESTLING FEDERATION
MADISON SQUARE GARDEN #13
17/12/1979
17 décembre 1979, nous sommes au Madison Square Garden, mythique salle de spectacle de New York City, pour un gala de catch estampillé World Wrestling Federation. Cet événement possède un petit quelque chose en plus, une petite particularité qui lui est propre. En effet, Vincent J. McMahon et Antonio Inoki firent un partenariat, autorisant quelques-uns des talents de New Japan Pro Wrestling à s’illustrer sur le ring sacré du Garden. En plus de cela, la promotion s’offrait ce même soir la présence du titulaire du « Ten Pounds of Gold » Harley Race, représentant de la National Wrestling Alliance.
Vincent K. McMahon sera l’unique commentateur de ce programme, tandis qu’Howard Finkel s’enquiert des rituelles présentations sérotinales. L’action proposée ce soir est placée sous le contrôle et la juridiction de la Commission Athlétique d’État, représentée sur place par Dr. Fred Gorino. Également sur place, ce sont messieurs les juges, Rogelio Fabello, Michael Paige et Harry Lewis. Fred Abbatiello sera notre gardien de la cloche tandis que l’arbitre du premier match sera Dick Kroll.
MATCH 1 : DICK « BULLDOG » BROWER VS LARRY ZBYSZKO (04:49)
VAINQUEUR : LARRY ZBYSZKO
PRISE DE FINITION : CONTRE D’UN ENFOURCHEMENT
INDICATEUR : * ½
Bagarreur dans l’âme, Dick « Bulldog » Brower est annoncé de Toronto, dans l’Ontario au Canada et tourne frénétiquement en rond. Approchant de la cinquantaine, Brower est un vétéran des rings qui restera actif jusqu’en 1988, clôturant une carrière de près de trois décennies, commencée en 1958 sur les rings de la Stampede Wrestling. Son adversaire est bien plus jeune et incarne l’avenir du catch professionnel. Originaire de Chicago dans l’Illinois, Larry Zbyszko apparaît concentré, sans doute conscient de l’ampleur du défi qui s’oppose à lui.
Voyant sa garde brisée par un sale coup de tête de Brower, Larry essuie les plâtres, croulant sous la puissance de feu du « Bulldog », qui porte bien son surnom. Larry est maintenu au sol alors qu’on entend ces incessants sifflements, le public du Garden étant parfaitement au fait que Brower ne les supporte pas, affichant des tendances psychopathiques depuis son retour, courant de l’année 1978. Soutenu par la foule, Zbyszko revient et accule Brower dans l’un des coins, rapidement calmé par un autre coup de tête. Toujours au sol, Larry résiste et se relève, envoyant des coups de genou et de pied sur un Brower à genoux. Une projection dans les cordes voit Zbyszko et Brower se rentrer dedans de plein fouet. Debout, Brower tente un enfourchement mais Larry utilise ses jambes pour faire balance, voyant « Bulldog » s’écrouler sous son poids, ce qui suffit pour le tombé. Larry Zbyszko s’arroge donc une victoire au Madison Square Garden, peut-être pas dans le plus sensationnel des matches, mais une victoire face au « Bulldog » Brower reste impressionnante, surtout compte-tenu que celui-ci est le tout premier adversaire d’un certain Bruno Sammartino.
MATCH 2 : NORTH AMERICAN TAG TEAM CHAMPIONSHIP MATCH : SEIJI SAKAGUCHI & RIKI CHŌSHŪ © VS « BAD NEWS » ALLEN COAGE & JOJO ANDREWS (09:44)
VAINQUEURS : SEIJI SAKAGUCHI & RIKI CHŌSHŪ
PRISE DE FINITION : BOSTON CRAB
INDICATEUR : **
Au microphone, Finkel annonce que le combat suivant sera pour les « Japanese Tag Team Championships ». Or, à l’écran s’affiche « North American Tag Team Championships ». Qu’en est-il alors ? Il s’agit en réalité de la version américano-japonaise des ceintures de Champions par équipe de la promotion Hollywood Wrestling, dépendante du territoire de Californie et affiliés à New Japan Pro Wrestling. En ce mois de décembre 1979, leurs détenteurs sont Riki Chōshū et Seiji Sakaguchi, victorieux de Hiro Matsuda et de Masa Saito en début d’année. Chōshū est un catcheur japonais d’origine coréenne, s’illustrant à New Japan Pro Wrestling pour l’essentiel de sa longue carrière, s’étalant de 1974 à 2019, date à laquelle Chōshū catche pour la dernière fois lors d’un match impliquant notamment Keiji Mutō et Tatsumi Fujinami. Chōshū est reconnu comme l’un des catcheurs les plus influents de son temps et pour être l’inventeur du Sasori-Gatame, version précurseure du Sharpshooter et du Scorpion Deathlock. De son côté, Seiji Sakaguchi fut entraîné par Karl Gotch et fut l’un des techniciens les plus affutés de son rang. Ceinture noire et victorieux du All Japan Judo Championship en 1965, Sakaguchi s’illustre ensuite sur les rings japonais à partir de 1967, poursuivant sa carrière jusqu’en 1990. Les Champions se mesurent ce soir à un duo composé de JoJo Andrews et de « Bad News » Allen Coage, qui s’illustreront plus tard en solo sur les rings de la Stampede Wrestling de Calgary.
Peu enclin à ce que l’arbitre vérifie son gant, Allen fait des pieds et des mains, ce qui a pour don d’enrager le public. Techniquement, Chōshū donne une leçon de catch à Andrews, mais rencontre plus de difficultés face à l’agressivité de Coage. Concernant ce dernier, sa présence n’est sans doute pas anodine puisqu’il fut entraîné par Antonio Inoki, alors président de la New Japan Pro Wrestling. Le match est plutôt équilibré, même si on ne ressent pas vraiment l’ambiance d’un match de championnat (en partant des standards nord-américains). Chōshū et Sakaguchi dominent, ce dernier étant d’ailleurs plutôt stiff dans son catch, sans doute d’inspiration « Strong Style », purement relatif au catch japonais. Un coup de genou de Seiji porté avec élan couche Andrews, ensuite tordu dans un Boston Crab, alors que Coage se mange un saut chassé de Chōshū. Andrews jette l’éponge, permettant aux Champions de conserver leurs ceintures, qu’ils détiendront jusqu’en 1981, date de l’annulation de ce championnat.
MATCH 3 : JOHNNY RODZ VS MIKE GRAHAM (05:03)
VAINQUEUR : MIKE GRAHAM
PRISE DE FINITION : FIGURE FOUR LEGLOCK
INDICATEUR : * ¾
« Unpredictable » Johnny Rodz est ce soir sur le ring du Madison Square Garden, un terrain qu’il connaît déjà plutôt bien. Ce soir, celui qu’on surnomme « Fire Brand from the Bronx » se mesure à Mike Graham, également habitué du ring du Garden. Fils du célèbre promoteur du territoire de Floride, Eddie Graham, celui-ci fit ses débuts en 1972, cachant majoritairement à la Championship Wrestling from Florida. Au début des années 80, Graham concourt sur d’autres territoires de la National Wrestling Alliance jusqu’en 1992, concluant une carrière de près de 20 ans.
On le sent venir à des kilomètres, lorsque Johnny Rodz insiste lourdement pour que l’arbitre re-vérifie en dessous des bottes de Graham. Et en effet, cette ruse lui permet subitement d’agresser Graham avec des coups de pied et de poing. Ce dernier s’en sort et maintient sa garde, au fait du caractère imprévisible de son antagoniste. Emmené au sol, Johnny mord le mollet puis le bras de Graham, un geste évidemment interdit. Sur une charge peut-être trop précipitée, Rodz s’éclate le genou dans l’un des coins, ce qui permet à Graham de l’immobiliser dans sa Figure Four Leglock. À quelques centimètres des cordes, Rodz préfère se rendre, alors qu’il s’en empare moins d’une seconde après ! Contestant cette décision, Johnny Rodz est en colère et peut l’être, mais c’est bien Graham qui l’emporte, sans pour autant impressionner.
MATCH 4 : HULK HOGAN W/FREDDIE BLASSIE VS TED DIBIASE (11:12)
VAINQUEUR : HULK HOGAN
PRISE DE FINITION : PRISE DE L’OURS
INDICATEUR : *** ½
Escorté au ring par « Classy » Freddie Blassie et un agent de police, celui que Finkel surnomme « The Incredible » Hulk Hogan s’avance pour la première fois sur cette allée, l’entrée sacrée du Madison Square Garden. Pour ses débuts sur la plus grande scène de toutes, Hogan se mesure à Ted DiBiase, qui signe ce soir sa dernière apparition sur ce territoire, s’exportant ensuite du côté de la Mid-South Wrestling et du Japon, catchant pour All Japan Pro Wrestling de 1983 à 1987. Quant à Hogan, ce dernier arbore une confiance affirmée, disposant dans le même temps d’un physique de titan, sur lequel s’extasie déjà Vince McMahon.
Habitué à de plus petits gabarits, on peut lire un certain étonnement sur le visage de DiBiase lorsqu’il se heurte à Hogan. Repoussé par cette montagne de muscles qu’est Hogan, DiBiase ne sait comment entamer ce match. Un premier contact voit toutefois ce dernier prendre un court ascendant, envoyant le poulain de Blassie à l’extérieur du ring avec des Armdrag. Hogan revient et couche DiBiase, enchaînant avec une descente de la cuisse tonitruante. DiBiase s’en dégage et s’attire le soutien d’un public chaud comme la braise. La foule s’implique alors que McMahon semble aux anges, que ce soit face au catch de DiBiase comme face au charisme naturel d’Hogan. Tenant à peine debout, DiBiase fait ce soir preuve d’une résistance à toute épreuve. Un brise-dos, suivi d’une prise de l’ours, enterrent définitivement les espoirs de DiBiase alors qu’Hogan s’offre sa première victoire, sur ce ring du Madison Square Garden.
– Une petite mise en contexte s’impose. Au soir du 30 novembre 1979, Antonio Inoki rive les épaules de Bob Backlund lors d’un événement à New Japan Pro Wrestling et remporte alors le World Wrestling Federation Heavyweight Championship. Déclaré vacant au bout d’une semaine par Inoki, Backlund ira récupérer sa ceinture sur ce programme. Toutefois, personne aux États-Unis ne sut à propos de ce court changement, c’est pour cela que le règne d’Antonio Inoki ne fut jamais reconnu par la World Wrestling Federation et que le règne de Bob Backlund est cité comme ininterrompu de 1978 à 1983.
MATCH 5 : WORLD WRESTLING FEDERATION CHAMPIONSHIP MATCH : TEXAS DEATHMATCH : BOB BACKLUND W/ARNOLD SKAALAND © VS « COWBOY » BOBBY DUNCUM W/CPT. LOU ALBANO (17:18)
VAINQUEUR : BOB BACKLUND
PRISE DE FINITION : PETIT PAQUET
INDICATEUR : ***
Accompagné du Captain’ Lou Albano, c’est ce soir « Cowboy » Bobby Duncum qui s’avance vers le ring en tant qu’aspirant n°1 à l’or mondial de la promotion. Le Champion, toujours détenteur de la ceinture suprême depuis 1978, le rejoint sous une salve d’acclamations, toujours accompagné du « Golden Boy » Arnold Skaaland. La ceinture de Champion du Monde de la World Wrestling Federation est donc remise en jeu dans un Texas Death Match, une stipulation qui pour cette époque, possède une certaine vocation de finalité. Avant toute chose, Finkel procède à la présentation singulière d’Hisashi Shinma, actuel président à l’écran de la World Wrestling Federation, qui tient dans ses mains la ceinture de Champion, rendue vacante par Inoki.
Irritable au possible, Albano refuse de quitter le ring et ses abords, prétextant que le « Golden Boy » a le droit d’y rester. Finalement, Albano s’en va alors que Duncum y va également de ses interjections. Avec cette différence de gabarits, je m’attendais à une domination logique de Duncum, présenté depuis son retour comme un challenger de poids. Et pourtant, Backlund m’a fait mentir, le mettant au pied et lui dispensant une véritable leçon de catch. En effet, Duncum se fait garder au sol de très longues minutes en collier de tête, sans pouvoir réagir. Enfin sorti de son emprise, Duncum s’attaque à la gorge du Champion et peut reprendre l’avantage. Toutefois, Backlund ira planter son challenger avec un magnifique Piledriver, dont Duncum se dégage in-extremis ! L’épuisement s’installe progressivement et les tombés s’enchaînent, les dégagements devenant de plus en plus mécaniques. « Cowboy » s’empare de la tête de Backlund et s’élance pour son Bulldog ! L’arbitre compte et Backlund s’en dégage ! De nouveau sur ses pieds, Duncum repart et assène un second Bulldog au Champion ! La foule se lève, l’arbitre compte, 1..2.. dégagement de Backlund ! Frustré, Duncum le projette ensuite du tablier du ring vers le poteau et Backlund retombe dans le public, s’écrasant lourdement sur la barrière de sécurité. Affaibli, Backlund revient et tire son épingle du jeu, enroulant son large antagoniste avec un petit paquet, porté à la manière de Jack Brisco, pour récupérer sa ceinture. Le Madison Square Garden entre alors en éruption, Backlund ne pouvant contenir son enthousiasme communicatif. Le Champion s’empare du micro et souhaite un Joyeux Noël au public ! Quant au match, j’aurais espéré au vu de la stipulation qu’on ne se repose pas sur ses acquis et qu’on y rajoute un peu plus de violence, comme du sang par exemple, ce qui aurait ajouté du piment à un combat qui, dans son ensemble, en manquait cruellement.
MATCH 6 : NATIONAL WRESTLING FEDERATION HEAVYWEIGHT CHAMPIONSHIP MATCH : ANTONIO INOKI © VS THE GREAT HUSSEIN OF IRAN (14:59)
VAINQUEUR : ANTONIO INOKI
PRISE DE FINITION : ENZUIGIRI
INDICATEUR : ** ½
Bien que Finkel annonce que ce prochain match sera pour le « Japanese Heavyweight Championship », ce n’est à nouveau pas ce que montre l’écran. En effet, on peut lire « NWF Heavyweight Championship », ce qui correspond en réalité à la ceinture de Champion poids-lourds de la National Wrestling Federation, possédée par Antonio Inoki depuis 1975. Historique fondateur de la New Japan Pro Wrestling en 1972, Inoki est également reconnu pour être l’un des précurseurs de la discipline « Mixed Martial Arts », combattant face à Muhammad Ali lors d’un combat aux proportions légendaires en 1976. Comme précisé plus haut, Inoki est à quelques jours seulement de sa victoire fantôme, c’est à dire non-reconnue par la World Wrestling Federation. Inoki se mesure ce soir à the Great Hussein of Iran, personnage calqué sur les traits d’un iranien hostile à la culture et aux figures de l’Amérique. L’affiche est intéressante et pourrait offrir un combat pour le moins surprenant.
Grande gueule, Hussein s’empare du micro pour critiquer l’Amérique et se jette ensuite sur son antagoniste ! Pas de phase de contact donc, alors qu’Inoki voit sa garde brisée par l’agressivité d’Hussein. Toutefois, Inoki n’est pas un débutant, au contraire et revient en étranglant Hussein avec sa cape. Mettant un poing d’honneur à déchirer cette cape, Inoki s’attire le soutien d’une foule clairement contre Hussein et ce qu’il représente. Même si Hussein dispose d’importantes capacités, héritées d’un passé en lutte gréco-romaine, cela n’est pas suffisant face à l’arsenal technique d’Inoki, fruit d’années passées dans les dojos japonais. Hussein s’en sort en trichant, alors que le public semble entamer un chant anti-Iran, pays d’origine d’Hussein. On peut ici rappeler que 1979 n’est pas forcément une année propice à l’entente irano-américaine. Hussein se démène en envoyant de grosses claques qui résonnent fort, mais Inoki l’emmène à nouveau au sol, l’emprisonnant dans un Indian Deathlock, solidement harnaché. Hussein s’en sort et prépare alors la corne de sa botte, qu’il compte utiliser comme un arme. Mais Inoki s’empare de sa jambe, défait les lacets et lui retire sa botte, une initiative saluée par les acclamations du public du Garden. Cela n’empêche pas Hussein de reprendre sa botte et de l’éclater sur le visage d’Inoki, un acte totalement interdit que l’arbitre laisse pourtant passer. Ouvert au front, Inoki se relève, et tandis qu’Hussein se démenait avec l’arbitre à propos de l’utilisation de sa botte, le couche avec un Enzuigiri. L’officiel compte et cela suffit pour le compte de trois, Inoki l’emportant donc en conservant sa ceinture. Fou de rage, Hussein s’en prend au corps arbitral avec sa botte, un geste qui sera sans doute puni par la Commission. Je m’attendais à plus de cette confrontation inédite, j’ai l’impression qu’Hussein et Inoki ne disposaient pas d’une réelle alchimie entre les cordes, ni d’une communication suffisante. De plus, la foule semblait quelque peu endormie et c’est bien dommage.
MATCH 7 : NWA WORLD HEAVYWEIGHT CHAMPIONSHIP MATCH : DUSTY RHODES VS HARLEY RACE © (13:18)
VAINQUEUR : HARLEY RACE
PRISE DE FINITION : DÉCISION DE L’ARBITRE
INDICATEUR : **** ¼
Complément de cet unique partenariat entre la World Wrestling Federation et la New Japan Pro Wrestling, s’ajoutait ce soir à l’équation une troisième entité. Représentée par Harley Race, porteur de l’or le plus prestigieux des territoires, ce match sera pour le « Ten Pounds of Gold », ceinture de Champion de la National Wrestling Alliance. Originaire des terres du Missouri, Harley Race défend en effet sa ceinture sur ce ring sacré du Madison Square Garden. Face au Champion, se dresse sans doute le challenger le plus trépidant qu’il puisse être. Dusty Rhodes, véritable personnification charismatique, est un spectacle à lui-même, rien qu’avec sa gestuelle.
Sur un premier contact, Rhodes cueille Race avec une série de jabs, voyant ce dernier tomber à la renverse ! Chaud comme la braise, Rhodes lui décoche son Bionic Elbow, mais Harley s’en dégage ! Le ton est donné, alors que Race s’est fait une belle frayeur. Dusty continue sur sa lancée et domine ce début de rencontre. Toutefois, tout cet entrain est brisé par un sale coup de genou de Race, directement dans l’abdomen de son challenger. Contrant une descente du crâne, Rhodes laisse le Champion s’écraser face première au tapis. Ouvert au front, Harley est en complète désuétude, ensuite lourdement projeté à l’extérieur du ring. Sur le ring, Dusty le plante avec un terrible Piledriver, mais Race tient bon. Aux situations désespérées, méthodes désespérées, Race cogne Rhodes avec un sale coup de tête. Dès lors, Harley Race s’empare du rythme de la rencontre, la transformant en une punition, vicieuse et méthodique. Harley est brutal et n’a aucune compassion pour Dusty, qui encaisse de violentes descentes du genou. Ouvert à son tour, le sang coule alors de manière profuse sur le visage de Rhodes, sous les yeux des commentateurs japonais. Sans pitié, Race envoie son challenger tête première dans le poteau, qui s’écrase ensuite en contrebas. Porté par une énergie démesurée, Rhodes ne se laisse pas abattre et remonte sur le ring, prêt à se défendre bec et ongles, emmenant avec lui tout le public du Madison Square Garden ! Malgré l’énergie de Dusty, le sang coule et l’arbitre commence à vouloir regarder de plus près cette coupure. En sang et désorienté, Rhodes perd l’équilibre et s’écroule dans les cordes, ne tenant même plus debout. Face à la gravité de la situation, l’arbitre s’enquiert de vérifier l’état du challenger et fait immédiatement sonner la cloche, Dusty étant incapable de poursuivre ce combat. Sur le ring, Harley Race est donc proclamé victorieux, au grand dam du public qui fait entendre son mécontentement. Le visage transformé en un masque pourpre, Rhodes revient et s’indigne de cette décision, toujours difficile à digérer. Magnifique défense de championnat à l’ancienne pour un Harley Race aussi mécanique que vicieux, sans pour autant que Dusty Rhodes ait à rougir de cette défaite, ce soir auteur d’une formidable performance.
MATCH 8 : INTERCONTINENTAL CHAMPIONSHIP MATCH : PAT PATTERSON © VS DOMINIC DENUCCI (06:31)
VAINQUEUR : PAT PATTERSON
PRISE DE FINITION : PETIT PAQUET
INDICATEUR : **
Victorieux de Ted DiBiase un peu plus tôt dans l’année, Pat Patterson unifia en effet les ceintures nord et sud américaines pour n’en faire plus qu’une. On le sait, il s’agit de la ceinture Intercontinentale. Et c’est cette dernière qui sera remise en jeu lors de ce huitième combat. Son actuel détenteur est toujours Pat Patterson qui s’est, selon Vince McMahon, récemment brouillé avec Lou Albano et se retrouve désormais sans manager à ses côtés. Son challenger n’est autre que Dominic DeNucci, fier compétiteur d’origine italienne qui pourrait ce soir créer la surprise et accrocher un trophée de plus à son palmarès déjà bien fourni.
On s’échange quelques contacts, un mélange de « French-Canadian Wrestling » propre au Champion et de notions de « Grappling » de Dominic. Un sale coup et Patterson s’en va récupérer sur le tablier du ring, l’une de ses tactiques habituelles. De retour, le québécois se mange une gifle de Dominic, l’air de dire : « ne joue pas à ça avec moi ! ». Le public est plutôt silencieux, ayant déjà beaucoup donné pour le match précédant. Patterson s’empare du nez de Dominic et ne le lâche plus, le matraquant ensuite avec de sales coups de genou. Toutefois, l’italien a de la ressource et élève Patterson pour son Airplane Spin. Ce dernier s’en dégage, c’est la première fois que je vois quelqu’un se sortir de cette prise, venant de Dominic. Sur une projection dans les cordes, Patterson emmène son challenger en planchette japonaise et, d’une manière plutôt ingénieuse, reste assis sur son torse pour le tombé, ce qui suffit pour le compte de trois. Patterson conserve donc son or, sans trop d’inquiétude, même si Dominic a fait tout ce qu’il a pu.
MATCH 9 : WWF JUNIOR HEAVYWEIGHT CHAMPIONSHIP MATCH : JOHNNY RIVERA VS TATSUMI FUJINAMI © (10:17)
VAINQUEUR : TATSUMI FUJINAMI
PRISE DE FINITION : GERMAN SUPLEX
INDICATEUR : *** ½
Avant-dernière rencontre de ce programme, c’est cette fois-ci le Junior Heavyweight Championship qui sera remis en jeu. Ce championnat entré en vigueur en 1965 est propre à la World Wrestling Federation et sera plus tard affilié à New Japan Pro Wrestling. Titulaire de la ceinture pour la seconde fois de sa carrière depuis octobre 1979, Tatsumi Fujinami fut le premier à porter le surnom de « Dragon » et est reconnu pour être l’inventeur du « Dragon Sleeper » et de la « Dragon Suplex ». Cité comme une inspiration par nombre de ses contemporains, notamment par Bret « Hitman » Hart, Fujinami fut détenteur du IWGP Championship à six reprises et fut intronisé au Hall of Fame de la WWE en 2015 par Ric Flair, l’un de ses plus farouches opposants. Ce soir, Fujinami se mesure à Johnny Rivera, catcheur d’origine portoricaine connu pour son catch aérien et technique, qui mériterait, au vu de son récent parcours, de s’accaparer une victoire de renom. Et pourquoi pas sur ce ring du Madison Square Garden ?
Une poignée de main respectueuse semble sceller ce qui s’annonce comme un véritable duel technique. Un superbe échange qui ravirait nombre de puristes donne le ton, salué par les applaudissements du Garden. Les échanges sont d’une fluidité remarquable, Fujinami est étonnant de technicité. Ce match contraste avec tout ce qu’on a pu voir jusqu’à présent, c’est une petite exhibition de genre. On y retrouve du « Mat Wrestling », du « Catch as Can Wrestling » et du « Grappling » à la japonaise. Certes, certaines phases sont plutôt figées, mais ce genre de combat est purement physique. C’est d’ailleurs peut-être une version pionnière de ce que seront plus tard les combats de Cruiserweight, qu’on retrouvera déjà au début des années 80, puis au milieu des années 90. À la phase de contact se succède une phase plus agitée, Johnny emmenant Fujinami en planchette japonaise, que ce dernier contre en faisant la roue ! Un Crossbody porté de la seconde corde ne suffit pas pour le portoricain, qui passe à rien de l’emporter. Toutefois, c’est bien Fujinami qui tire son épingle du jeu avec une magnifique German Suplex, maintenue en ponté. Quelle belle expérience, enrichissante au possible et qui pourrait servir de modèle pour les générations suivantes.
MATCH 10 : WWF TAG TEAM CHAMPIONSHIP MATCH : TITO SANTANA & IVAN PUTSKI © VS SWEDE HANSON & VICTOR RIVERA (06:57)
VAINQUEURS : TITO SANTANA & IVAN PUTSKI
PRISE DE FINITION : FLYING CROSSBODY
INDICATEUR : * ¾
Pour notre dernier combat et en guise de clôture de ce programme, les ceintures par équipe de la World Wrestling Federation seront défendues. Ses détenteurs depuis octobre 1979 sont toujours Ivan Putski et Tito Santana, qui ne cessent d’enchaîner les belles performances. On peut noter que le cuir des ceintures a changé de couleur, passant d’un rouge écarlate à un bleu cobalt. Les Champions défendent ce soir l’un or face à un tandem composé de Swede Hanson, originaire de Slaughter’s Creek en Caroline du Nord et de Victor Rivera, catcheur d’origine portoricaine et ancien partenaire de Spiros Arion.
Putski commence face à Johnny et lui décoche quelques bras à la volée, une prise peu habituelle de la part du polonais. Le face à face entre Putski et Hanson est plutôt intéressant, ces gros gabarits ne se sont en effet jamais rencontrés. Putski se lâche et piétine le visage d’Hanson, passant le relais à Santana qui prend un certain plaisir à continuer d’éclater le faciès d’Hanson au tapis. Ce dernier revient avec des claques dans le poitrail et un sale coup de genou dans l’abdomen. Le tag est passé à Rivera, qui envoie Santana s’écraser dans les airs en surpassement. En raison de la limite de temps relative au couvre-feu du Garden, ce dernier match est plutôt court et voit les Champions l’emporter sans grande difficulté suite à un combo fatal : Putski cueille Hanson avec son Polish Hammer, ensuite couché par un Flying Crossbody de Santana ! Jolie fin pour ce dernier match qui clôt un événement unique.
– Affichant une carte ô combien variée et intrigante, ce gala de catch organisé au Madison Square Garden par la World Wrestling Federation, conjointement avec la New Japan Pro Wrestling, est une petite pépite. Cet événement possédait en effet une saveur toute particulière. Un partenariat, entre la promotion de Vincent J. McMahon et celle d’Antonio Inoki, permit d’offrir une exhibition de catch unique en son genre. Globalement, cette découverte fut pour moi une expérience enrichissante. J’ai en effet pu découvrir certains noms que je ne connaissais pas et me pencher sur la façade orientale des territoires. Ce programme permit ainsi à des noms tels qu’Antonio Inoki, Tatsumi Fujinami ou encore Riki Chōshū de se produire sur le ring de l’enceinte sacrée du Garden, scène la plus prestigieuse du continent américain. En plus de tout cela, s’ajoutait ce soir une troisième entité à l’équation, celle de la National Wrestling Alliance, représentée par son Champion, le légendaire Harley Race. À quelques jours d’un changement d’or fantôme historique, Antonio Inoki et Bob Backlund étaient au rendez-vous. L’un se mesurait à l’hostile Hussein of Iran, dans une pure exhibition et mélange de styles, un cran en dessous de nos attentes. L’autre, récupéra son or dans un combat qui encore une fois, manquait d’un peu de piment. L’intérêt de ce programme fut également de découvrir des talents tels que Tatsumi Fujinami ou Riki Chōshū, à des lieues de la formule de présentation nord-américaine du catch. N’oublions pas cette superbe rencontre, presque précurseure entre un Hulk Hogan plein de panache et un Ted DiBiase vaillant, auteurs d’une superbe performance, qui a sans doute du influencer un Vince McMahon admiratif, sur le futur de la discipline tel qu’il l’entrevoyait sans doute déjà. Toutefois, mon cœur penche ce soir pour cette guerre, menée sans relâche entre Dusty Rhodes et Harley Race, qui défendait alors son « Ten Pounds of Gold ». Tel est l’art de construire une rencontre, d’y ajouter de l’intensité et du drame, d’y incorporer une théâtralité et une électricité palpable, à la manière d’une véritable lettre d’amour à la discipline, celle du catch professionnel.
Nathan Maingneur