ALL STAR WRESTLING #76
03/05/1980
Toujours enregistré dans l’enceinte du Fieldhouse d’Hamburg en Pennsylvanie, cet épisode d’All Star Wrestling nous est présenté et sera commenté par Vince McMahon et Bruno Sammartino.
Gary Cappetta s’occupe des rituelles présentations et stipule que le catch proposé ce soir sera sous l’étroite juridiction de la Commission Athlétique de Pennsylvanie, représentée sur place par John Santoro. Dr. John Woods siège en compagnie de Mike Mittman, notre gardien de la cloche, tandis que les arbitres de cette heure de catch seront John Stanley, Gilberto Roman et Dick Woehrle.
MATCH 1 : « COWBOY » BOBBY DUNCUM W/CPT. LOU ALBANO VS DOMINIC DENUCCI (07:10)
VAINQUEUR : BOBBY DUNCUM
PRISE DE FINITION : COUNT OUT
INDICATEUR : * ¾
Vêtu d’un gilet noir et d’un chapeau de cowboy, articulant à peine lors de ses promos, Bobby Duncum est l’archétype du Texan par excellence. Son manager, c’est toujours ce filou de Lou Albano, retirant sa chemise pour montrer son poitrail au public, une image qui parle d’elle-même. Ce soir, le catcheur d’Austin au Texas se mesure à un compétiteur originaire de Venise en Italie, résidant aujourd’hui à Pittsburgh. À quarante-huit ans au compteur, Dominic DeNucci a encore de bons os et quelques années devant lui.
Attention à ne pas sous-estimer ce dernier qui sait encore montrer le feu ardent de ses grandes heures. Emmené au sol en tour de hanches, Dominic esquive une descente du coude et s’empare de l’épaule de son antagoniste, ne le lâchant plus d’une semelle. Ramenant l’italien dans l’un des coins, Duncum fonce tête baissée et s’éclate de plein fouet l’épaule dans le poteau, voyant Dominic repartir sur ce bras. Fidèle à ses tactiques de dur à cuire, Duncum reprend l’ascendant, s’agrippant cette fois-ci au cou de DeNucci. Maintenu au sol par un étranglement à priori légal, Dominic est en grande difficulté. Profitant de ce long interlude, entièrement à son avantage, Duncum envoie Dominic en contrebas, qui se prend encore un coup de pied d’Albano, comme si cela ne suffisait pas. De retour dans son match, l’italien projette Duncum à l’extérieur du ring et s’ensuit une petite bagarre. Alors que l’arbitre comptait, Duncum envoie son adversaire s’écraser tête première dans le poteau et parvient à remonter sur le ring au compte de neuf. Dominic DeNucci est compté par l’officiel alors que Bobby Duncum est proclamé victorieux, au grand bonheur de son fou de manager.
MATCH 2 : « PRETTY BOY » LARRY SHARPE VS CHARLIE BROWN (06:26)
VAINQUEUR : LARRY SHARPE
PRISE DE FINITION : PILEDRIVER
INDICATEUR : ½ *
Il s’autoproclame « Pretty Boy » et ne cesse de sourire, voici Larry Sharpe, l’une des principales têtes à claques de la promotion. Depuis son retour en début d’année 1980, Sharpe nous a habitué à de longues purges sans intérêt aucun, si ce n’est de l’utilisation du marteau-pilon comme prise de finition. Son souffre-douleur sera ce soir Charlie Brown, originaire de Géorgie et à ne pas confondre avec l’alter ego de « Boogie Woogie Man » Jimmy Valiant.
Sharpe s’impose en quelques secondes à peine, martelant de coups ce pauvre Charlie. Celui-ci est totalement impuissant et déguste sans pouvoir réagir. Alors que Sammartino pointait du doigt le manque d’énergie de Brown, celui-ci s’offre un petit moment, rapidement calmé par Sharpe. En rogne, Larry l’envoie durement s’écraser contre la table des officiels, emmenant la cloche dans sa chute. Pourtant, Charlie revient et peut compter sur l’appui du public. Malgré cet entrain apparent, ce match est d’un ennui monstre. C’est long mais c’est surtout très brouillon, que ce soit du coté de Brown ou d’un professionnel comme Sharpe, ce qui est pour le coup difficilement excusable. Au terme d’une séquence malaisante, Sharpe l’emporte avec son Piledriver, nous épargnant une seconde de plus de cet interminable supplice.
– Accueilli au microphone par Bruno Sammartino, Freddie Blassie s’est amené avec l’un de ses plus récents protégés, en la personne de Tor Kamata. Classy affirme que Kamata est un dieu au Japon, ce à quoi Bruno rétorque avec virulence. Confronté à la liste des actes répréhensibles de son poulain, Blassie répond que c’est lui qui lui a appris à transgresser les règles. Connaissant le passé de Blassie sur les rings, on peut s’imaginer le pire. Kamata s’empare du microphone et ajoute que ce sont les catcheurs américains qui viennent tricher sur les rings japonais. « The Fashion Plate of Wrestling » affirme préférer les « étrangers » aux américains, parce qu’ils se comportent comme des gens civilisés. Bruno lui répond de quitter le pays s’il le souhaite, ce à quoi Blassie rétorque qu’il est ici uniquement pour l’argent. Ah, ce sacré Freddie Blassie.
MATCH 3 : JOSÉ ESTRADA VS PAT PATTERSON (08:07)
VAINQUEUR : PAT PATTERSON
PRISE DE FINITION : PETIT PAQUET
INDICATEUR : ** ½
Catcheur d’origine portoricaine, José Estrada est l’un de ces noms dont l’on parle si peu. Estrada n’a toujours pas glané une seule victoire en 1980, un triste score qui contraste avec son talent certain. Sans sa ceinture, désormais accrochée autour des reins de Ken Patera, Pat Patterson signe ici quelques autographes, portant un blouson rouge à franges.
Décontenancé par l’entrain de Patterson, Estrada fait mine d’être un gentil garçon. Ces quelques échanges préliminaires sont d’une fluidité remarquable, voyant toutefois s’énerver Patterson, prêt à en découdre avec un Estrada fuyant. Agrippé à la barbe de ce dernier, le québécois est forcé de casser la prise par l’arbitre Dick Woehrle, tirant encore plus sur cette barbe. Rebelote pour ce schéma récurrent du registre « Comedy Wrestling » de l’époque, alors qu’Estrada n’en peut plus et implore l’officiel d’arrêter. Globalement, c’est un match plutôt « back and forth » où chacun répond à l’autre sans qu’aucun ne prenne un réel avantage. Essoré et frustré du catch rusé de Patterson, Estrada lui tourne le dos, seulement pour se prendre un coup de genou dans les fesses ! Pourtant, le portoricain revient avec un beau saut chassé, qui voit Patterson s’entremêler dans les cordes. Ce dernier esquive un Crossbody d’Estrada qui s’y emmêle à son tour comme dans une toile d’araignée. Un surpassement précède un O’Connor Roll qui signe la fin du match pour Estrada, qui concède une défaite supplémentaire au légendaire Pat Patterson.
MATCH 4 : « UNPREDICTABLE » JOHNNY RODZ VS TONY ATLAS (04:58)
VAINQUEUR : TONY ATLAS
PRISE DE FINITION : PETIT PAQUET
INDICATEUR : * ¾
Avec José Estrada, Johnny Rodz est également l’un des talents les plus sous-côtés de son temps. Celui qu’on surnomme « Unpredictable » en raison de son catch acéré signe ici quelques autographes, une première pour ce compétiteur d’habitude plutôt détesté. Ce soir, Rodz se mesure à un défi de taille, en la personne de Tony Atlas, qui surfe de son coté sur une vague on-ne-peut-plus montante. Originaire de Roanoke en Virginie, Atlas possède déjà une certaine expérience sur les rings de catch, couplée à un physique hors-normes.
Vainement, Johnny Rodz s’essaie à un test de force, une initiative qu’on a du mal à comprendre en voyant le gabarit de son adversaire. Pris en clé de bras, Rodz répond avec son mordant habituel, brisant la garde d’Atlas. Sur une droite, portée sur le haut du crâne de Tony, Johnny se fait lui-même mal, toujours dans cette idée que l’afro-américain a la tête dure, un stéréotype qui ne date pas d’hier et qu’on commentait déjà du temps des matches de Bobo Brazil. Atlas répond avec ses droites mais se mange un sale coup de coude de Rodz, qui n’hésite pas à utiliser les cordes pour ajouter de l’impact à ses coups de pied. Pour autant que l’affiche me plaise, le combat est plutôt mou et n’emballe pas le public d’Hamburg. Ayant repris le rennes du match, Rodz assène une série d’enfourchements à Atlas, peu habitué à se faire malmener de la sorte. Ce dernier passe près de surprendre Johnny avec un Sunset Flip mais tire son épingle du jeu en l’enroulant en petit paquet, ce qui suffit pour le compte de trois. Au vu de l’affiche et du potentiel de la rencontre, on aurait aimé que cela dure un peu plus longtemps afin que le match puisse pleinement décoller.
– Un plan caméra se focalise sur le public, ce qui est encore relativement rare pour cette époque. Un homme d’une quarantaine d’années s’allume une cigarette, faisant resplendir l’image d’une époque aujourd’hui lointaine. Au microphone, Bruno Sammartino fustige l’utilisation des cordes et pense que le Splash de Tor Kamata devrait être banni. Suivant cet entretien tendu et ces quelques mots de l’italien, on peut douter de son goût pour le catch d’un compétiteur comme Kamata.
MATCH 5 : TOR KAMATA W/FREDDIE BLASSIE VS JOE MASCARA (02:45)
VAINQUEUR : TOR KAMATA
PRISE DE FINITION : SPLASH
APPRÉCIATION : SQUASH TOUJOURS AUSSI BRUTAL
Toujours accompagné par « Classy » Freddie Blassie, qui possède d’ailleurs une sacrée écurie de monstres, Tor Kamata est toujours invaincu sur le ring du Fieldhouse d’Hamburg, profitant surtout d’un manque flagrant de compétition. À cet égard, c’est ce soir Joe Mascara qui a la lourde tâche de se frotter à Kamata.
Alors qu’il s’attelait à son traditionnel rituel oriental de sumotori, Kamata n’a pas attendu pour se jeter sur ce pauvre Mascara, le dos tourné. En arrière-plan, on distingue qu’une partie du public est absente, laissant plusieurs rangées de sièges vides. Pour Kamata, c’est la punition habituelle, oscillant entre griffures, morsures et étranglements illégaux. Conformément aux avertissements qui lui furent adressés, Kamata l’emporte avec un Splash, porté avec élan et non plus du haut de la troisième corde, ce qui lui valut d’être fustigé par la Commission Athlétique et surtout par Bruno Sammartino !
En ces premiers jours du mois de mai 1980, pas de réel changement ni d’attraction majeure à noter, ce qui est un peu dommage. Sur la carte, on ressent même une petite légèreté, lorsqu’on la compare à ses précédentes éditions. Brute honnie et sans foi ni loi, Tor Kamata poursuit son chemin de destruction, enchaînant les massacres atypiques. Atypique, c’est le moins qu’on puisse dire et pour autant, cela ne plaît pas à l’un de nos commentateurs. En effet, Bruno Sammartino ne semble pas du tout emballé par certaines facettes du produit de cette époque, déjà bien différent du sien. Malheureusement pour Bruno, ça n’ira pas en s’arrangeant. S’imposant face à une figure populaire telle que Dominic DeNucci, Duncum n’a pas impressionné, comme c’est souvent le cas. Succès en demi-teinte, ce décompte à l’extérieur du ring a au moins eu le mérite de protéger la figure de l’italien, encore très appréciée. À oublier de toute urgence, c’est cette énième purge signée Larry Sharpe. Face à un adversaire à côté de ses pompes, Sharpe nous a encore une fois tous mis au lit. On regrette peut-être aussi le manque de temps accordé à ce match entre Tony Atlas et Johnny Rodz. Si ce dernier n’était pas considéré comme un jobber, l’affiche aurait pu faire des étincelles. Le match de la soirée est à mettre au crédit de José Estrada et d’un Pat Patterson étincelant. Une semaine après l’annonce de son décès, c’est un plaisir que pouvoir plonger au cœur de la carrière de ce grand monsieur de l’histoire de notre sport-spectacle préféré.
Nathan Maingneur