CHAMPIONSHIP WRESTLING #33
04/10/1980
Après le départ d’un Bruno Sammartino sans doute agacé de sa pré-retraite imposée – et ennuyeuse – en tant que commentateur, Vince McMahon s’est retrouvé tout seul à assurer le commentaire des programmes de la World Wrestling Federation. L’émission s’ouvre donc avec le remplaçant de la « Living Legend » italienne à l’antenne. Il s’agit de Pat Patterson, ancien Champion Intercontinental inaugural vieillissant. Et tradition oblige, changement de partenaire rime avec changement de costume pour Vince McMahon qui passe d’un jaune un peu terne à un bleu marine kitsch mais élégant. Ils nous annoncent ensuite le programme de cet épisode de Championship Wrestling, toujours pré-enregistré au Agricultural Hall d’Allentown en Pennsylvanie.
– Le légendaire Joe McHugh s’enquiert encore et toujours des introductions sérotinales et nous annonce que cette heure de catch est placée sous le contrôle et la juridiction de la Commission Athlétique de Pennsylvanie, présidée par J.J Binds et représentée aux abords du ring par quelques-uns de ses officiels. Le controversé Dr. George Zahorian est toujours à sa place en compagnie de Mike Mittman, notre estimé gardien de la cloche. Les arbitres qui officieront lors de cette heure de catch sont messieurs Angelo Savoldi, Dick Kroll, Billy Caputo et Dick Woehrle.
MATCH 1 : PEDRO MORALES VS BLACK DEMON (05:49)
VAINQUEUR : PEDRO MORALES
PRISE DE FINITION : BOSTON CRAB
APPRÉCIATION : PLUTÔT BON SQUASH DE PEDRO MORALES
Adoré des foules du monde entier, Pedro Morales est l’un des rares lutteurs à avoir gagné un titre de Champion du monde et un titre de Champion Tag Team. Il faudra encore attendre la fin d’année ’80 pour que Morales ajoute un troisième accomplissement à sa légendaire carrière lorsqu’il remporte le titre de Champion Intercontinental des mains de Ken Patera. Ce soir, ce compétiteur originaire de l’île de Culebra dans l’archipel de Porto-Rico se frotte au Black Demon, qui s’échauffe avec une interminable série de squats.
Brut de décoffrage, Pedro ne fait pas dans la dentelle et impose un style « no-nonsense » en ce début de rencontre. Morales domine allègrement son adversaire qui n’hésite toutefois pas à renvoyer les coups au portoricain. Et bien que Morales soit un dur, le Demon réussit pourtant à le faire tituber, ce qui n’est pas rien. Sauf que Pedro, il aime la castagne. Pedro, c’est le genre de gars qui te demande de cogner plus fort parce qu’il aime ça. De surcroît, le portoricain réplique avec des gauches du feu de dieu. Les bretelles déchirées, le Demon passe un sale quart d’heure. Morales le sèche ensuite avec une mandale dans l’abdomen et l’emporte en un peu moins de six minutes avec son Boston Crab. Convaincant.
MATCH 2 : MOONDOG HAWKINS W/CPT. LOU ALBANO VS CHARLIE BROWN (05:38)
VAINQUEUR : MOONDOG HAWKINS
PRISE DE FINITION : SHOULDERBREAKER
APPRÉCIATION : SQUASH PLUTÔT CLASSIQUE DU MOONDOG
Une gueule d’homme des bois et une carrure de camionneur, c’est à peu près à cela que ressemble le dernier protégé du capitaine Lou Albano, en la personne de Ripper Hawkins. Récemment surnommé « Moondog » Hawkins, ce dernier est toujours invaincu et sera vite rejoint par d’autres barbus de sa trempe pour former les Moondogs, un trio de sauvages au goût prononcé pour les os à moelle. Encapuchonné, il se frottait ce soir à un jobber du nom de Charlie Brown, homonyme du copain de Snoopy.
Agressif, l’homme de main d’Albano s’impose en brutalisant ce pauvre Charlie Brown qui n’a rien demandé. Nous l’avons déjà relevé en début d’émission, mais soulignons toutefois qu’Angelo Savoldi a repris du service en tant qu’arbitre. Complètement écrasé, ce pauvre Brown n’a aucune chance face au sauvage « Moondog » Hawkins. Celui-ci mord, étrangle et catche déjà comme un chien enragé. Même le capitaine s’autorise le droit d’y mettre du sien avec un coup de poing directement dans les fesses de Brown. Courageux, ce dernier se redonne du poil de la bête mais sera abattu par un violent brise-épaule de la part du futur Moondog Rex, qui l’emporte au compte de trois en l’espace de cinq minutes et trente secondes.
– Le changement de costume nous permet également de nous y retrouver au niveau de la temporalité. On nous diffuse ainsi des images où Vince portait son costume jaune, ce qui indique qu’il s’agit d’une séquence passée. McMahon accueillait alors le Grand Wizard of Wrestling précédé du Sgt. Slaughter. Le Wizard dresse un formidable portrait de Slaughter qui insulte le public et ordonne à Vince de lui cirer les pompes. Le Wizard compare son poulain à Richard Nixon tandis que McMahon rappelle que Slaughter a été renvoyé des Marines pour mauvaise conduite. Promo absolument géniale.
MATCH 3 : SGT. SLAUGHTER W/GRAND WIZARD OF WRESTLING VS ANGELO GOMEZ (05:56)
VAINQUEUR : SGT. SLAUGHTER
PRISE DE FINITION : COBRA CLUTCH
APPRÉCIATION : SQUASH PLUS QUE BRUTAL DE SLAUGHTER
De retour au présent, nous apercevons Angelo Gomez, jobber émérite passé maître dans l’art de sublimer ses adversaires en se faisant, tout simplement, défoncer la tronche. Contre lui ce soir, ce n’est nul autre que le Sgt. Slaughter, qui terrorise les rangs de la promotion depuis son arrivée en milieu d’année ’80. Accompagné au ring par le Grand Wizard of Wrestling, Slaughter est l’un des types les plus haïs du moment.
Embrassant son personnage à fond, Slaughter tyrannise ce pauvre Gomez, sous les railleries de la foule. Au son de la cloche, Angelo n’a aucune chance et sert de poupée de chiffon au sergent. Une incrustation écran nous permet de notifier la présence d’Arnold Skaaland, assis au premier rang et observant calmement le catch du sergent. Et ce catch, qu’est-ce qu’il est brutal, nom de dieu. Dire que ce pauvre Angelo Gomez se fait malmener serait un euphémisme. En effet, Slaughter lui pète littéralement la gueule, pardonnez mon langage. Le sergent met fin au massacre au bout de près de six minutes d’un passage à tabac d’une rare violence. Le Sgt. Slaughter est plus menaçant que jamais.
– Sur sa sortie, Slaughter notifie la présence de Skaaland et commet un geste à son égard. Vince l’interviewe ensuite et l’ancien soldat nous raconte qu’il prend des notes dans l’objectif d’en faire part à son Champion, Bob Backlund. Arnie confie d’ailleurs avoir trouvé le point faible du sergent !
MATCH 4 : THE WILD SAMOANS W/CPT. LOU ALBANO VS DOMINIC DENUCCI & RENÉ GOULET (06:34)
VAINQUEURS : THE WILD SAMOANS PAR COUNT OUT
PRISE DE FINITION : CHUTE DE GOULET EN DEHORS DU RING
INDICATEUR : ** ¼
L’affiche pue le catch. Cette affiche est un bon condensé de tout ce qui caractérisait le catch de cette époque, sur ce territoire et dans ces programmes télévisés hebdomadaires que nous affectionnons tant. Rapidement devenus Champions Tag Team après avoir perdu leurs titres au Showdown at Shea, Afa et Sika, qui forment les Wild Samoans, sont au sommet de leur art. Toujours guidés par la lanterne de ce lunatique de Lou Albano, ils rencontrent ce soir un tandem qu’on adore par-dessus tout. C’est notre péché mignon par définition. Il s’agit de Dominic DeNucci et de René Goulet, deux briscards des rings qu’on adore voir botter les fesses des heels. Notons par ailleurs que les titres ne sont pas remis en jeu.
Feignant de laisser les ceintures à l’arbitre, Afa et Sika foncent sur leurs adversaires, mais mal leur en prend car ce sont ces derniers qui ont le dernier mot en boutant les Samoans hors du ring. Même s’ils ne sont plus tout à fait dans la fleur de l’âge les vétérans ont du plomb dans la tête. Preuve en est de s’en prendre aux pieds nus des Samoans. Cela paraît évident mais il fallait y penser ! Même Albano a le droit à sa salade de phalanges, alors que Sika finit carrément sur les genoux des premiers rangs, ce qui a le don de chauffer la foule. Partis en trombe et sur les chapeaux de roue, les briscards dominent largement ce début de rencontre et font preuve d’une malice redoutable. Goulet se fait un temps isoler dans l’un des coins mais il serre les dents. Tête baissée, Goulet fonce sur Afa, mais celui-ci se retire au dernier moment, laissant le québécois s’écraser lourdement en dehors du ring. La chute est particulièrement rude pour le quinquagénaire qui sera compté à dix en dehors du ring, pour le plus grand désarroi d’une foule abattue. Les Samoans gardent la tête haute, pour l’instant.
MATCH 5 : « M. USA » TONY ATLAS VS SYLVANO SOUSA (02:40)
VAINQUEUR : TONY ATLAS
PRISE DE FINITION : HEADBUTT
APPRÉCIATION : SQUASH QUELCONQUE D’ATLAS
C’est celui qui a le plus souffert de sa défaite au Showdown at Shea. En incandescence il y a quelques semaines à peine, celui qu’on surnomme « M. USA » en raison de son passif de bodybuilder a bien du mal à se remettre de sa déconvenue subie contre le Champion Intercontinental Ken Patera. Tony Atlas, qui possède toutefois le plus beau physique de la promotion, clôture ce programme en affrontant Sylvano Sousa, jobber d’origine portugaise.
Sousa met le paquet en ce début de rencontre et assène une bonne série de coups de poing à un Tony Atlas qui ne s’y attendait visiblement pas. Pas impressionné pour un sou, Atlas réplique avec de grosses mandales portées de manière atypique. Il le décolle ensuite du sol et l’abat au tapis avec son Military Press Slam, toujours aussi impressionnant. Sousa essaie de revenir mais Atlas est d’ores et déjà sur sa lancée. Et pas grand chose ne paraît en mesure de le stopper. À la suite d’une projection dans le coin, Atlas en termine en moins de trois minutes avec un coup de boule dont lui seul a le secret.
Les braises du Showdown at Shea sont encore chaudes, mais le feu ardent qui animait ces programmes hebdomadaires semble s’être éteint – pour le moment. Il y a toutefois du très très bon, notamment grâce au Sgt. Slaughter, la plus grosse menace du moment. Tony Atlas, Afa et Sika, Pedro Morales et plus encore dans ce Championship Wrestling.
– L’aspect le plus important de ce programme, c’est quelque chose que nous n’avons pas vu, mais que nous avons entendu. Cette émission marque en effet les débuts de Pat Patterson en tant que commentateur aux côtés de Vince McMahon. Troisième nom d’une prestigieuse lignée, Patterson a succédé à Bruno Sammartino (1977-1980) qui reprenait quant à lui le flambeau du légendaire Antonino Rocca (1972-1976). Son accent québécois, son parler encore approximatif de l’anglais, nous garantissent déjà quelques bons rires.
– En cette fin d’année ’80, un nom en particulier commence à faire parler de lui et s’impose comme une figure de marque. Il s’agit du Sgt. Slaughter, dont la verve et sa gueule atypique lui permettent – couplées au talent invraisemblable du Grand Wizard of Wrestling – de s’affirmer comme le plus gros heel naturel de la promotion. Il semble d’ores et déjà prêt à affronter Bob Backlund et à cet égard, un détail ne nous a pas échappés.
– Cela pourrait être un détail mais c’est loin d’en être un. À cette période, il n’était pas rare que le manager d’un lutteur se retrouve aux premières loges du combat de son adversaire du moment. En en effet, cela permet de faire croire que le manager s’implique en prenant des notes, ce qui justifiera la façon dont son poulain remportera leur affrontement. Bêtement et simplement. Le diable se cache toujours dans les détails, surtout dans le catch professionnel.
Nathan Maingneur