CHAMPIONSHIP WRESTLING #32
27/09/1980
Toujours tout seul à la suite du départ de Bruno Sammartino, Vince McMahon nous reçoit dans l’enceinte du Agricultural Hall d’Allentown en Pennsylvanie pour cet enregistrement de Championship Wrestling, émission phare de la World Wrestling Federation derrière All Star Wrestling, l’autre programme TV de la promotion.
On ne change pas les bonnes habitudes. Joe McHugh s’occupe des introductions sérotinales et annonce que cette heure de catch est placée sous le contrôle et la juridiction de la Commission Athlétique de Pennsylvanie, présidée par J.J Binds et représentée en ringside par quelques-uns de ses officiels. Dr. George Zahorian siège encore et toujours à le droite de Mike Mittman, notre gardien de la cloche. Les arbitres qui officieront tout au long de la soirée sont messieurs Dick Kroll, Billy Caputo, Gilberto Roman et Dick Woehrle.
MATCH 1 : SGT. SLAUGHTER W/GRAND WIZARD OF WRESTLING VS RICK STALLONE (04:25)
VAINQUEUR : SGT. SLAUGHTER
PRISE DE FINITION : COBRA CLUTCH
APPRÉCIATION : SQUASH UN PEU MOLLASSON
Il est l’une des figures les plus redoutées du moment. Fraîchement débarqué du camp de Parris Island en Caroline du Sud, celui qu’on salue – et au garde-à-vous de préférence – ne quitte jamais son terrible manager, en la personne d’Ernie Roth, l’alias du Grand Wizard of Wrestling. Depuis ses débuts en milieu d’année ’80, le Sgt. Slaughter n’a toujours pas été vaincu sur ce territoire. Pire, personne n’a encore réussi à se sortir de sa fameuse prise de soumission, l’inextricable Cobra Clutch. Slaughter affronte ce soir un jobber du nom de Rick Stallone, aucun lien de parenté avec l’interprète de Rocky, mais un petit air de ressemblance.
Inconscient, ou peut-être téméraire, Stallone s’avance un peu trop près du sergent et se voit imposer un redressement quasi militaire, Slaughter ne lésinant pas sur sa baguette dont il se sert comme d’une arme. Comme à l’entraînement, le sergent déroule sans difficultés et s’impose avec un catch simple mais efficace. Stallone se rate sur un surpassement mais Slaughter ne bronche pas et enchaîne avec un Powerslam. Le haut gradé prend tout son temps et lui relève systématiquement l’épaule du tapis, une constante dans ce genre de matches à sens unique. Il en termine en un peu plus de quatre minutes, toujours avec son Cobra Clutch, prise létale dont il est presque impossible de se dégager.
MATCH 2 : « MR. USA » TONY ATLAS VS THE BLACK DEMON (08:01)
VAINQUEUR : TONY ATLAS
PRISE DE FINITION : SPLASH
INDICATEUR : *
Pas encore tout à fait remis de sa défaite subie contre Ken Patera au Showdown at Shea en août dernier, celui qu’on surnomme « M. USA » en raison de son passé de culturiste, je vous parle bien-sûr de Tony Atlas, n’en reste pas moins un compétiteur très populaire, toujours bien apprécié du public. Son antagoniste porte un masque noir qui dissimule son visage. On le présente sobrement sous le nom de Black Demon, sans qu’on en sache plus à son sujet.
On assiste à un début de combat étonnamment compétitif, surtout lorsqu’on sait de quoi est capable Atlas. Dans le sens où, dans ce genre de matches à sens unique, l’individu qui doit en ressortir la tête haute n’est généralement jamais mis en difficulté de la sorte. La rencontre s’emballe à la suite d’un coup de poing un peu trop stiff du Demon, ce à quoi Atlas rétorque avec la même énergie. Aux commentaires, McMahon nous informe que le Black Demon n’est pas le même que nous avons connu il y a quelques années. Le Demon n’apprends pas de ses erreurs et est encore une fois trop stiff, ce qui semble vraiment agacer Atlas. Et le match prend alors une tournure assez étrange, car entre ces frappes non retenues et ces longues phases au sol, ce combat ne rime à rien. Il n’y a aucune structure ni aucune cohérence. Absolument rien de ce que font les deux catcheurs n’a de sens. Et bon sang qu’est-ce que c’est long. On aurait sincèrement aimé qu’Atlas en termine après son Military Press Slam. Finalement, et après avoir été mené en long et en travers, Atlas s’offre son comeback et couche le Black Demon avec un coup de tête dont il a le secret. Il enchaîne avec un Splash et quelle ne fut pas ma stupéfaction au moment de l’annonce du temps de match. Huit minutes. Huit longues et interminables minutes qui ont semblé être une éternité.
MATCH 3 : LARRY ZBYSZKO VS STEVE KING (02:44)
VAINQUEUR : LARRY ZBYSZKO
PRISE DE FINITION : VERTICAL SUPLEX
APPRÉCIATION : SOLIDE SQUASH DE LARRY ZBYSZKO
Lui non plus, pour être honnête, n’a pas tout à fait su se remettre de sa défaite subie au Shea Stadium. Certes, c’était contre Bruno Sammartino en guise de climax de la plus grande rivalité de l’année ’80, voire du catch nord-américain en général à ce moment précis, mais tout de même. Il s’agit bien-entendu de Larry Zbyszko, devenu paria de la promotion après son heel turn réalisé face à l’icône Sammartino. Il affrontait ce soir Steve King, le Saint-Patron des jobbers.
Et même si Bruno a pu redorer son blason en se vengeant – et comment – de son ancien protégé, Larry Zbyszko est toujours profondément haï. Preuve en sont ces huées et autres sifflets lorsqu’il refuse d’engager le combat pendant de très longs instants. Comme d’habitude, Zbyszko finit par fondre sur son défi du soir, le passant ensuite méchamment à tabac. Il l’emporte presque immédiatement avec une souplesse arrière, portée avec force.
MATCH 4 : TONY GAREA VS BARON MIKEL SCICLUNA (06:54)
VAINQUEUR : TONY GAREA
PRISE DE FINITION : COUP PORTÉ AVEC L’OBJET ILLICITE
INDICATEUR : * ½
Agressé par son ancien partenaire et ami en la personne de Larry Zbyszko, Tony Garea est revenu en action au terme d’une période d’absence d’un an durant laquelle il a combattu sur les rings nippons, du côté de la NJPW et dans les Carolines, pour le compte des Jim Crockett Promotions. Originaire d’Auckland en Nouvelle-Zélande, Garea a près de dix ans de carrière dans les pattes sur les rings du monde entier et est d’ores et déjà considéré comme un vétéran. En face de lui, se dresse le sinistre Baron Scicluna.
Sans perdre une seconde, le Baron se jette sur Garea et le martèle de lourds coups de poing dans le dos. Garea est immédiatement mis en difficulté et essuie les plâtres face au grand Baron. Projeté en dehors du ring, le néo-zélandais reprends ses esprits, mais seulement pour se faire couper dans son élan par un gros coup de poing du Baron, qui semble avoir utilisé quelque chose pour alourdir sa frappe. Et c’est là tout l’art du Baron Scicluna. Cet objet illicite, utilisé et manipulé au nez et à la barbe de l’arbitre Dick Woehrle, qui ne prétend y voir que du feu. Le travail de heel du Baron repose en effet sur des actions d’une simplicité ahurissante, c’est du génie pur et simple. Garea déguste, mais revient en force avec une série de sauts chassés. Il s’empare de cet objet interdit en fouillant dans le slip de son adversaire et, sous les yeux d’un arbitre qui ne bronche pas, il décolle le Baron du sol avec un uppercut du tonnerre. Tony Garea l’emporte donc au compte de trois, mais les tensions ne semblent pas s’être apaisées pour autant.
MATCH 5 : THE SAMOANS W/CPT. LOU ALBANO VS JOHNNY RODZ & JOSÉ ESTRADA (06:32)
VAINQUEURS : THE SAMOANS
PRISE DE FINITION : SAMOAN DROP
INDICATEUR : **
Finalement, cette défaite au Showdown at Shea n’aura pas été si terrible que cela. Moins d’un mois après avoir perdu leurs ceintures de Champions Tag Team contre Bob Backlund et Pedro Morales, Afa et Sika ont déjà regagné leurs titres pour la seconde fois, à la grande joie d’un Lou Albano vraisemblablement aimanté à ces ceintures. L’or autour des hanches, ils se mesuraient ce soir à un tandem plutôt étonnant composé de « Unpredictable » Johnny Rodz et de José Estrada. Étonnant, car oui en effet, les deux loubards de Brooklyn sont ce soir dans la posture des babyfaces, alors qu’ils campent tous deux une position de heels depuis de longues années.
Chaud comme la braise, Rodz commence fort en affichant un catch différent, beaucoup plus énergique et dynamique que ce qu’on lui connaît d’habitude, et même des interactions avec le public, ce qui est inédit. Il va jusqu’a taper du pied pour chercher les applaudissements, ce qui est incroyable, surtout de la part d’un heel. Superbe séquence, que ce moment où, Afa entremêlé dans les cordes, nos deux babyfaces improvisés se relayent intelligemment pour mettre du poids sur ces câbles, empêchant ainsi l’arbitre de le démêler. Finalement, les Samoans reprennent le contrôle du match en isolant Rodz de son partenaire. Acculé de longues minutes dans le mauvais coin, Johnny réussit à s’en sortir et offre le hot tag à Estrada. Tout feu tout flamme, celui-ci ne peut contenir son énergie – comme un babyface – mais se fait surprendre par un Samoan Drop sorti de nulle part, porté par Afa. Le choc est terriblement brutal et Estrada ne s’en relève pas.
MATCH 6 : MOONDOG HAWKINS W/CPT. LOU ALBANO VS FRANK WILLIAMS (02:52)
VAINQUEUR : MOONDOG HAWKINS
PRISE DE FINITION : SHOULDERBREAKER
APPRÉCIATION : SQUASH PLUTÔT QUELCONQUE
On termine ce programme avec l’un des nouveaux venus du moment, en la personne de Moondog Hawkins, plus connu sous le nom de Randy Colley. Ce dernier a récemment effectué de solides débuts sous le nom de Ripper Hawkins, et c’est d’ailleurs la première fois que Joe McHugh le présente sous le nom de Moondog, ce qui préfigure tout doucement l’arrivée de l’équipe des Moondogs. Il se frottait ce soir à l’éternel jobber, en la personne de Frankie Williams.
Le nombre de spectateurs qui se lèvent et qui se dirigent vers la sortie nous indique qu’il s’agit de la fin des enregistrements. Et ce n’est pas ce combat qui arrangera les choses. On s’en doute, Williams n’est qu’une marionnette pour Hawkins qui déroule un catch brut de décoffrage néanmoins efficace. Il en termine en moins de trois minutes avec un brise-épaule.
Édition somme toute plutôt classique, oserai-je même dire dispensable de Championship Wrestling. Du bon Johnny Rodz, du très bon Larry Zbyszko, du moins bon Tony Garea, et du très moins bon Tony Atlas, sans un seul segment au micro. C’est tout ça et plus encore du côté de la World Wrestling Federation.
– Tony Atlas ne semble décidément pas avoir su rebondir de sa défaite subie contre Ken Patera. Pourtant parti comme une fusée dans la galaxie du catch nord-américain, l’ancien culturiste accuse le coup de cet échec cuisant et a bien du mal à se remettre en selle. Et ce n’est pas son combat de ce soir qui nous fera dire le contraire. Certes, pas aidé par un adversaire aux fraises, Atlas semble quand même avoir perdu en vitesse sur ces derniers mois.
– Officiellement de retour depuis son agression des mains de Larry Zbyszko, Tony Garea n’a malheureusement pas su s’imposer ce soir et ce, malgré une victoire contre le Baron Scicluna, qui demeure l’un des vétérans les plus huilés de la promotion. Il en faudra plus pour nous impressionner et pourquoi pas une association en Tag Team. Et par pitié, pas avec René Goulet, ni avec Dominic DeNucci. Pourquoi pas Rick Martel, tiens donc !
– Une faille dans le kayfabe ! Opposés aux Samoans de Lou Albano, Johnny Rodz et José Estrada étaient donc cantonnés à un rôle généralement conféré aux babyfaces. Alors qu’ils sont des heels depuis des années ! Et que ce soit dans leur catch comme dans leurs interactions avec le public, on a eu bien du mal à reconnaître ces deux loubards des rings. Comme quoi, les plus grands savent tout faire, à la perfection.
Nathan Maingneur