MID-SOUTH WRESTLING #18
17/04/1982
Boyd Pearce est notre hôte et nous accueille dans l’enceinte du Irish McNeil’s Boys Club de Shreveport en Louisiane pour cette heure de catch estampillée Mid-South Wrestling. À ses côtés, Jim Ross est de retour à l’antenne et nous gratifie donc de sa présence ce soir. Avant de se lancer dans le vif du sujet, « Cowboy » Bill Watts a quelque chose a nous dire et nous retrouve ainsi en dehors du ring.
– Face caméra, Watts nous apprends qu’un certain Andy Kaufman, célébrité du Saturday Night Live et de Taxi, a tout récemment pris part à un combat de catch. Cela s’est déroulé sur le territoire de Memphis, et Kaufman rencontrait Jerry « The King » Lawler. Vous l’avez compris, il s’agit de ce célèbre incident où Jerry Lawler aurait brisé le cou de Kaufman en le plantant avec un Piledriver. Protecteur du business et des codes de la discipline, Watts s’insurge que n’importe quelle vedette puisse se sentir capable de défier un professionnel et de grimper sur le ring avec lui.
Des images (rarissimes pour l’époque) de la chaîne ABC Sports nous sont alors diffusées, nous montrant l’incident tel qu’il fut perçu par les médias sportifs de l’époque, c’est à dire comme l’accident réel d’une personnalité médiatique qui a fini sa soirée à l’hôpital avec le cou brisé. En réalité, tout était planifié et c’est même Andy Kaufman qui, par respect pour la discipline, a choisi de jouer le jeu. Pris à son propre jeu, Watts fonce tête première dans le panneau et « shoote » sur une situation parfaitement orchestrée, dont le secret a même perduré des années encore. Watts semble se satisfaire du sort de Kaufman et affirme qu’il aurait du s’inspirer du cas de Muhammad Ali qui, malgré tout ce qu’on pourrait dire à son sujet, s’était retrouvé sur les fesses après sa confrontation face à Gorilla Monsoon, en ’76 du côté de New York City.
MATCH 1 : ONE MAN GANG W/SKANDOR AKBAR VS TONY TORRES & TERRY GIBBS (02:57)
VAINQUEUR(S) : ONE MAN GANG
PRISE DE FINITION : SPLASH
APPRÉCIATION : SQUASH TRÈS SOLIDE DU ONE MAN GANG
Culminant à plus de 2m de hauteur et affichant près de 200kg sur la balance, celui qu’on appelle le One Man Gang est une force de la nature. Sous l’aile du sinistre Skandor Akbar, ce grand gaillard est toujours invaincu et a blessé de nombreux lutteurs dont Ted DiBiase, Dick Murdoch ou encore Ernie Ladd. D’habitude confronté à de piètres adversaires, One Man Gang rencontre ce soir non pas un, mais deux antagonistes. Il s’agit de Tony Torres, jobber d’origine hispanique, et Terry Gibbs, originaire de Pittsburgh.
Gibbs croit que c’est en se projetant dans les cordes qu’il aura la force de faire tomber le One Man Gang. Raté, rien n’y fait. Ni son saut chassé, ni l’impulsion prise depuis la corde du milieu, Terry Gibbs jette l’éponge. Au tour de Torres de se heurter à ce véritable mur. Il se fait littéralement déboulonner. Voyant son partenaire étouffer dans une prise de l’ours, Gibbs essaie de s’accrocher au dos du géant, mais celui-ci lui retombe dessus, l’écrasant de tout son poids. Le One Man Gang enchaîne et aplatit ce pauvre Torres avec un énorme Splash qui suffit, et largement, pour le compte de trois.
MATCH 2 : BOB ROOP VS DICK MURDOCH (02:33)
VAINQUEUR : DICK MURDOCH
PRISE DE FINITION : COUNT OUT
APPRÉCIATION : ATTRACTION PLUTÔT MARRANTE
Auteur du braquage du siècle et affranchi de Paul Orndorff, Bob Roop se tient sur le ring et affiche fièrement son titre de Champion nord-américain remporté non sans controverse face à Ted DiBiase. Son adversaire s’amène au ring en treillis, un béret militaire sur la tête. Il apporte avec lui un sac rempli de tout un tas de choses, dont une matraque, un pack de bières et même son slip de combat qu’il enfile en direct. Non, ce n’est pas Killer Karl Kox, porté disparu depuis de nombreuses semaines, mais bien Dick Murdoch, qui effectue ce soir son retour de blessure.
Profitant de cette situation cocasse, Roop se jette sur Murdoch et le passe à tabac avec de sales coups de pied. Très faible sur le plan technique, là où son antagoniste est un vrai spécialiste, Murdoch sait se battre et est aussi à l’aise sur ce terrain qu’un cochon dans la merde. Envoyé en dehors du ring, Murdoch cherche dans son sac et en sort une pelle, la même qu’utilisait Killer Karl Kox essaie alors de s’interposer, mais finit complètement out après un coup de pelle dans le crâne. Face à cette scène, Roop prend la tangente et fuit le combat. Poursuivi par un Murdoch hystérique, Bob Roop repart finalement en direction des vestiaires et sera compté à l’extérieur du ring par l’arbitre Alfred Neely. Plutôt marrant mais un peu lourdaud.
MATCH 3 : PAUL ORNDORFF VS TULLY BLANCHARD (04:36)
VAINQUEUR : PAUL ORNDORFF PAR DQ
PRISE DE FINITION : INTERVENTION DE BOB ROOP
INDICATEUR : ** ¼
Dégât collatéral d’un stratagème visant à faire perdre Ted DiBiase son titre de Champion nord-américain, Paul Orndorff a en plus, été trahi par son ancien compère, en la personne de Bob Roop. Dans le processus, Orndorff semble s’être attiré les faveurs du public, mais n’en reste pas moins l’un des compétiteurs les plus redoutés de la promotion. Orndorff se frotte ce soir à Tully Blanchard, sur une pente ascendante, une semaine après sa victoire contre Coco Samoa.
Qu’ils sont nerveux ces premiers contacts. La tension et l’intensité qui s’en dégagent sont palpables. Étonnamment, c’est Blanchard qui s’impose en ce début de rencontre, grâce à de sales méthodes. Orndorff contre une souplesse arrière et en assène une au jeune Tully. Orndorff essaie alors une prise de soumission et s’oriente vers un Boston Crab, mais Tully s’en démène et part pour une Figure Four Leglock ! Toutefois, Orndorff sait comment s’en sortir et retourne la prise, au grand bonheur du public. Et alors que Blanchard était sur le point de jeter l’éponge, Orndorff est agressé par Bob Roop, qui lui décoche une descente du genou du haut de la troisième corde. L’arbitre sonne immédiatement la cloche et doit disqualifier Blanchard. Excellent petit match de catch, beaucoup trop court et, prenons le risque de l’écrire, gâché par une fin en eau de boudin.
– Il a longuement attendu ce moment. Sur ses pieds et prêt à se battre, Ernie Ladd a soif de vengeance et compte bien redorer son blason en infligeant une raclée aux Samoans et à Skandor Akbar. Son partenaire, il l’a défendu la semaine dernière d’un passage à tabac des Champions Tag Team. Il s’agit de The Assassin, Jody Hamilton de son vrai nom, une légende des rings et membre des célèbres Masked Assassins, avec Tom Renesto.
Et alors que Reeser Bowden présentait les protagonistes du prochain combat, l’Assassin l’interrompit et s’empara du micro. Il nous confie alors que le catch lui a permis de gagner beaucoup d’argent, et qu’Ernie Ladd l’a grassement payé pour combattre à ses côtés, ce que Ladd acquiesce. Toutefois, Hamilton déclare que Skandor Akbar l’a payé encore plus pour ne pas combattre aux côtés d’Ernie Ladd. L’Assassin #1 repart donc en direction du vestiaire sous les huées du public et le regard désabusé de son désormais ex-partenaire. Ce dernier compte bien régler ses comptes ce soir et repart chercher un autre coéquipier. Il revient alors avec « Iron » Mike Sharpe, et c’est parti !
MATCH 4 : « BIG CAT » ERNIE LADD & « IRON » MIKE SHARPE VS THE SAMOANS W/SKANDOR AKBAR (00:47)
VAINQUEURS : AUCUN
PRISE DE FINITION : INTERVENTIONS MULTIPLES
APPRÉCIATION : SACRÉ JOYEUX BORDEL !
Trêve d’introductions, nous n’en aurons pas besoin. La cloche sonne alors que les quatre hommes sont déjà en train de s’échanger des coups, au grand bonheur du public.
Ladd et Sharpe se déchaînent sur les Samoans alors que l’arbitre ne parvient pas à gérer cette situation chaotique. Akbar est en panique, Afa et Sika sont en déroute, et la foule de Shreveport adore. L’Assassin revient alors et assène un coup de tête à Sharpe, qui finit sa course en dehors du ring. Comme lors de la trahison des Samoans, Ladd se retrouve seul contre trois, mais Paul Orndorff, lui aussi trahi par l’un de ses amis en la personne de Bob Roop, accourt alors à sa rescousse. La foule est en délire, Orndorff et Ernie Ladd font le ménage et renvoient les Samoans au vestiaire. Quel segment.
– On nous diffuse ensuite les images d’un combat entre Harley Race et Terry Taylor. Boyd Pearce se trompe et nous dit qu’il s’agit d’un match qui a eu lieu à Atlanta en Géorgie. Or, ce combat a été enregistré sur les rings de Floride, en témoigne ce bandeau aux couleurs de la CWF, la Championship Wrestling from Florida.
Le match a déjà commencé, et Race s’impose avec une Gutwrench Suplex. Aucune idée de quand datent ces images, mais elles sont sans doute légèrement anciennes, puisque Taylor ne se ressemble pas. Race est au sommet de son art et apparaît plus méthodique et vicieux que jamais. Taylor est largement dominé mais essaie quand même de placer un saut chassé, mais se fait contrer. Race enchaîne avec une souplesse arrière et l’emporte donc logiquement.
MATCH 5 : JESSE BARR VS BUDDY LANDEL (03:06)
VAINQUEUR : AUCUN
PRISE DE FINITION : TIME LIMIT
APPRÉCIATION : BONNE PETITE EXHIBITION DE CATCH
Il nous reste un peu de temps d’antenne, et comme c’est la tradition, place au combat de fin de soirée, celui qui n’a d’autre but que de proposer du catch. Comme souvent lors de ces matches, nous retrouvons le talentueux Jesse Barr, maître de la German Suplex tenue en ponté. Face à lui ce soir, un futur « Nature Boy », mais pas Ric Flair. Il s’agit de Buddy Landel, jeune prodige des rings originaire de Knoxville dans le Tennessee.
Omniprésent cette semaine, Skandor Akbar s’invite du côté des commentateurs et clame que Murdoch a signé son arrêt de mort. Sur le ring, se déroule une petite démonstration de catch pur, simple et sans fioritures. C’est même franchement propre et on aimerait que cela puisse durer encore un peu. D’habitude, l’un ou l’autre des protagonistes parvenait à gagner, mais pas cette fois. Le temps d’antenne restant s’est écoulé, et c’est ainsi que se termine cet épisode de Mid-South Wrestling.
Sacré épisode de Mid-South Wrestling. Sur le papier, c’est incontestablement le plus gros programme que nous ayons eu jusqu’à présent. Le retour de Dick Murdoch, un match de dingue entre Paul Orndorff et Tully Blanchard, le heel turn de l’Assassin #1 mais surtout, et surtout, l’approche inédite de cet incident qui eut lieu du côté de Memphis, entre Jerry Lawler et Andy Kaufman.
– Porté disparu depuis quelques semaines, Killer Karl Kox ne donnait plus signe de vie. Et pourtant nous avons cru à son retour lorsqu’une silhouette vêtue d’un treillis et d’un béret militaire a effectué son entrée. Ce n’était pourtant pas lui, mais Dick Murdoch, qui réalisait ce soir son retour de blessure. Il semblerait bien que Karl Kox soit parti, puisque Murdoch a repris son personnage, jouant à la fond la carte de l’ancien militaire, totalement redneck et un peu fou, ce qui colle parfaitement à Murdoch, cela dit en passant.
– Jim Ross de retour aux commentaires de l’émission, c’est tout !
– Tully Blanchard contre Paul Orndorff. L’affiche est alléchante et les premières séquences du combat nous ont régalé. De l’énergie, de l’animosité et de l’intensité, c’est tout ce que l’on aime. Pourtant, on regrette malgré tout l’intervention de Bob Roop qui s’invite en tant que trouble-fête à un moment où on aurait juste apprécié que le combat continue.
– Ayant obtenu l’aide de The Assassin #1, en la personne de Jody Hamilton, le « Big Cat » Ernie Ladd était certain de se venger des Wild Samoans et de Skandor Akbar. Pourtant, le sort en a décidément autrement puisque l’Assassin s’est affranchi de Ladd, révélant que le général Akbar le payait plus. À nouveau trahi, et de nouveau seul contre rois, Ladd eut la présence d’esprit d’opter pour un plan B : « Iron » Mike Sharpe. Ce fut toutefois de très courte durée, puisque le tout est parti en cacahuètes lorsque Paul Orndorff s’est joint à la fête. Sacré segment.
– Le fait marquant de ce programme, c’est cette approche inédite de l’incident qui eut lieu sur le territoire de Memphis entre Andy Kaufman et Jerry Lawler. Pourtant pas le dernier des imbéciles, Bill Watts en personne a voulu se placer en héraut des codes d’honneur et de respect de la discipline. Et pourtant, ce qu’Andy Kaufman et Jerry Lawler ont élaboré, que ce soit sur le ring de Memphis ou plus tard, sur le plateau de David Letterman, relève du pur génie. On a longtemps accusé Andy Kaufman d’avoir bafoué le catch et de ne rien connaître de ce sport, de ne rien n’avoir d’un athlète et j’en passe. Et pourtant, ce soir là, Andy Kaufman a compris, peut-être mieux que personne, l’essence même de ce superbe sport-spectacle. Et nous a tous roulés dans la farine par la même occasion.
Nathan Maingneur