MID-SOUTH WRESTLING #28
26/06/1982
Boyd Pearce est notre hôte et nous accueille comme chaque semaine sur notre TV à l’occasion de cet épisode de Mid-South Wrestling. Une émission encore et toujours enregistrée au sein du Irish McNeil’s Boys Club de Shreveport en Louisiane. À ses côtés ce soir, l’actuel président de la promotion et promoteur de ce territoire, en la personne de « Cowboy » Bill Watts. Place à un petit récapitulatif.
– Le 21 juin, du coté de La Nouvelle-Orléans, Ted DiBiase devait se mesurer à Bob Roop pour son titre de Champion nord-américain dans un match très attendu. Sauf qu’à l’issue d’une altercation, DiBiase ayant voulu défendre JYD, il s’est blessé et n’a pas pu se battre. Toutefois, la rencontre étant signée, c’est le Junkyard Dog, dans un élan de bonté, qui a pris sa place. Et à la surprise générale, il l’a gagné, ce titre de Champion nord-américain !
Sauf que le Junkyard Dog est déjà Champion de la Louisiane et du Mississippi, et il ne peut pas cumuler ces championnats régionaux et son nouveau championnat national. Il devra ainsi rendre vacante sa ceinture de Champion de la Louisiane, qui sera remise en jeu lors d’un tournoi organisé à Bâton-Rouge. Par conséquent, ce fameux combat sans disqualification et à l’issue duquel Ted DiBiase avait juré de quitter ce territoire s’il ne regagnait pas son titre, aura quand même lieu mais contre le Junkyard Dog. Tiens donc.
– En costume gris, Ted DiBiase émet quelques doutes quant à la sincérité de son antagoniste, mais choisit tout de même de lui faire confiance. Le Junkyard Dog s’exprime à son tour concernant ce cas de figure unique. Et même s’il ne se sent pas tout à fait à l’aise à l’idée de combattre son ami, il le fera car il sait que que DiBiase catche toujours dans les règles de l’art.
Interviewé lui aussi, Bob Roop ne cache pas son amertume d’avoir perdu son titre contre un individu qu’il n’était pas censé affronter. Il défie donc le Junkyard Dog pour un rematch la semaine prochaine. Et pourquoi JYD et pas DiBiase, potentiellement ? Parce que selon lui, DiBiase est incapable de regagner ce titre.
MATCH 1 : « DR. DEATH » STEVE WILLIAMS VS JEFF SWORD (03:04)
VAINQUEUR : STEVE WILLIAMS
PRISE DE FINITION : OKLAHOMA STAMPEDE
APPRÉCIATION : SQUASH PLUTÔT CLASSIQUE
Coaché par Barry Switzer sur les terrains de football, repéré par « Cowboy » Bill Watts sur les tapis de lutte de l’Université de l’Oklahoma, celui qu’on surnomme « Dr. Death » en raison de son tempérament orageux a effectué ses débuts à la Mid-South Wrestling en ce milieu d’année ’82. Toujours invaincu, mais encore un peu green, Steve Williams peut toutefois compter sur sa carrure d’armoire à glace. Il affronte ce soir un jobber du nom de Jeff Sword.
Williams s’impose malgré le manque de volonté de son antagoniste. Faisant ressurgir son passé de lutteur amateur, il l’emmène rapidement au sol avec un takedown. Sword loupe un surpassement mais « Dr. Death » lui rentre dedans avec une série de tampons. Projeté dans l’un des coins, Sword réagit bizarrement et force Williams a devoir faire tout le boulot. Il en termine ensuite en l’espace de trois minutes avec un magnifique Running Powerslam, son Oklahoma Stampede.
MATCH 2 : BIG JOHN STUDD & THE SUPER DESTROYER VS ERNIE KIRKLAND & DAVID PRICE (02:21)
VAINQUEURS : BIG JOHN STUDD & THE SUPER DESTROYER
PRISE DE FINITION : CANADIAN BACKBREAKER
APPRÉCIATION : PLUTÔT BON SQUASH DES HEELS
Elle a de la gueule cette Tag Team ! Aux côtés du Super Destroyer, en la personne de Scott Irwin – le frangin de « Wild » Bill Irwin – nous retrouvons une figure qu’on connaît plutôt bien. Originaire de Pennsylvanie, ce grand gaillard a déjà près d’une décennie de catch dans le pattes. Entraîné par le légendaire Killer Kowalski, Big John Studd a commencé sa carrière en Californie au début des années ’70. Après un premier passage remarqué du côté de la World Wrestling Federation entre ’76 et ’77, Studd s’est construit une sérieuse réputation et s’est positionné comme un géant heel. Ils se mesuraient ce soir à un tandem composé d’Ernie Kirkland et de David Price, un jobber qui se faisait également appeler Mötley Cruz, ce qui a au moins eu le mérite de me faire rire.
Aux commentaires, Watts nous informe que Studd et le Destroyer arrivent tout droit de la Géorgie, et il ne manque d’ailleurs pas d’envoyer un scud à Ole Anderson en disant que de toute façon, c’est là-bas que finissent les pauvres gars qui se font piétiner à la Mid-South. Anderson appréciera sans doute. D’entrée de jeu, Kirkland nous montre qu’il n’a aucune expérience et c’est plutôt pénible. Lorsqu’entre Price, les heels s’en donnent à cœur joie et le passent à tabac de longues minutes. Fait notable de la rencontre, le Destroyer nous offre une magnifique Superplex, alors considérée comme une prise de risque insensée. Car en effet, si on retrouve aujourd’hui cette prise dans n’importe quel match lambda, elle n’était pas du tout démocratisée à cette période, et encore relativement rare. John Studd l’emporte ensuite avec son Canadian Backbreaker, en deux minutes et demie.
MATCH 3 : NO-DQ MATCH : NORTH-AMERICAN TITLE MATCH : JUNKYARD DOG © VS TED DIBIASE (05:20)
VAINQUEUR : TED DIBIASE
PRISE DE FINITION : COUP DE POING AMÉRICAIN
INDICATEUR : ** ¾
Les conditions de ce match sont claires comme de l’eau de roche. Si Ted DiBiase perd ce combat, il doit quitter le territoire de la Mid-South. À l’origine, ce match n’aurait peut-être jamais eu lieu, mais les événements récents en ont décidé autrement. Un léger problème de son nous permet de profiter, au moins brièvement, du Another One Bites the Dust qui accompagne chacune des entrées du Junkyard Dog, nouveau Champion nord-américain. Une franche poignée de main scelle le respect mutuel que se vouent ces deux hommes et cimente ce qui s’annonce comme un bel affrontement.
Les premiers échanges sont nerveux et le ton est donné lorsque le JYD se rétracte pile au moment d’envoyer un coup de poing au visage de DiBiase. Une première échauffourée se traduit par un échange de coups d’avant-bras d’apparence cordiale, même si l’on ressent une pointe de frustration du côté de DiBiase. Le Champion se laisse surprendre par un Powerslam de DiBiase mais s’en dégage avec puissance au compte de un, ce qui semble déstabiliser le challenger. JYD au sol, DiBiase part pour un Spinning Toe Hold, qui prépare sa prise en quatre, mais le Junkyard Dog le repousse et Ted DiBiase s’envole par-dessus les cordes. Il retombe très lourdement en dehors du ring et, inquiet pour le bien-être de son adversaire et ami, JYD l’aide généreusement à se relever et le remet, là aussi très gentiment, sur le ring. Debout, DiBiase se retourne et sort quelque chose de son slip, qu’il glisse dans son gant ! Il se retourne et… bam ! Il sèche le Junkyard Dog sur place avec une droite et le recouvre pour le compte de trois. Le choc est total. Aux commentaires, Bob Roop n’y croit pas ses yeux. Ted DiBiase a regagné sa ceinture et, après une respiration aux airs de soulagement DiBiase quitte le ring, comme si de rien n’était.
– Dans un climat de sidération générale, le public ne sait trop comment réagir, alors que le Junkyard Dog, toujours groggy, doit être relevé par une poignée d’arbitres. Incroyable heel turn de DiBiase, sublimé par ce flegme et ce calme avec lequel il a quitté le ring, nous faisant ressentir ce retournement de veste comme une véritable délivrance, voire un apaisement. Magistral.
Pour se remettre de nos émotions, revenons sur les récents événements qui ont jalonné le parcours de Killer Khan, récemment arrivé sur ce territoire. Et pour ce faire, la promotion nous diffusait une séquence issue des archives de la World Wrestling Federation. Oui, c’est bien Vince McMahon Jr. que j’aperçois à la Mid-South Wrestling. Complètement lunaire. L’interview, nous l’avions découverte lors d’un All Star Wrestling ou d’un Championship Wrestling. André le Géant nous montrait les stigmates de sa blessure.
Et nous avons même droit à d’autres images – décidément – d’un André le Géant arrivant en béquilles lors d’un programme télévisé. Interviewé par McMahon, André fut interrompu par l’arrivée de « Classy » Freddie Blassie. André s’en prit alors au vil manager mais, perdant l’équilibre, il ne put contrôler sa chute. À nouveau attaqué par Killer Khan, André eut vraiment l’air d’être une bête sauvage blessée. Quelles images ! Bien entendu, tout cela nous est montré pour nous indiquer qu’André se dirige désormais vers la Mid-South. Khan n’a qu’a bien se tenir.
MATCH 4 : KILLER KHAN W/SKANDOR AKBAR VS JOE STARK (01:49)
VAINQUEUR : KILLER KHAN
PRISE DE FINITION : DESCENTE DU GENOU
APPRÉCIATION : SQUASH AGRESSIF DE KHAN
À cet égard, nous retrouvons maintenant le principal intéressé sur le ring. Il s’agit, vous l’avez compris, de Killer Khan. Aux services du maléfique Skandor Akbar, Khan n’a pour l’instant semé que du désordre à la Mid-South Wrestling. Originaire de Mongolie, ce monstre des rings – toujours invaincu – se mesure ce soir à un jobber du nom de Joe Stark.
Toujours aussi agressif, Khan ne fait qu’une bouchée de ce pauvre garçon, totalement impuissant face à son dangereux adversaire. Bien qu’il ne soit pas un fin technicien, il faut bien reconnaître que ce genre de matches sied parfaitement à Killer Khan, qui reste l’un de ces catcheurs à qui profite réellement le format du squash match. Hurlant de façon stridente à chacun de ses coups, Khan impressionne, même si certains spectateurs osent se moquer de lui. Il l’emporte comme d’habitude avec sa descente du genou, portée depuis la corde du milieu.
MATCH 5 : BUCK CHRISTOPHER GEORGE ROBLEY III VS BILLY « THE STARCHILD » STARR (03:45)
VAINQUEUR : BUCK ROBLEY
PRISE DE FINITION : SLEEPER HOLD
APPRÉCIATION : SQUASH SANS GRAND INTÉRÊT
Originaire de sa Louisiane natale, Buckley Christopher George Robley troisième du nom, c’est comme ça, et pas autrement, que se présente ce compétiteur qui semble être une vieille connaissance de Bill Watts. Reconnaissable grâce à son t-shirt jaune et son plâtre, Buck Robley a commencé sa carrière au tout début des années ’70 et a combattu sur divers territoires de la NWA, majoritairement en Floride et dans le Tri-State. Surnommé « Yellow Belly », il se mesure ce soir à l’un des jobbers les plus aguerris de la promotion, en la personne de Billy « The Starchild » Starr.
Un peu comme Killer Karl Kox ou encore Dick Murdoch avant lui, Robley est présenté sous un trait plus comique qu’impressionnant. Sur le ring, on a l’impression d’assister à un combat de Jimmy Valiant, et je ne suis pas sûr que ce soit forcément un compliment. Rien de bien extraordinaire, Starr est toujours aussi bon ceci dit. Du catch somme toute plutôt classique, Buck Robley l’emporte rapidement en moins de quatre minutes avec une prise du sommeil, assez bien exécutée.
– Il reste du temps d’antenne, ce qui signifie donc que nous avons droit à toujours plus de catch. Sur le ring, un quatuor musclé squatte les planches. On reconnaît l’Assassin, mais aussi le Grappler, le One Man Gang, le tout managé par ce diable de Skandor Akbar. L’Assassin prend le micro et s’adresse à Ernie Ladd, présent aux abords du ring. Il lui demande d’appeler son copain Junkyard Dog pour former un trio et les affronter tous les trois. Grizzly Smith, le booker de ce territoire, s’interpose et autorise le « Big Cat » à se trouver un partenaire. Aux côtés de Tom Jones, Ladd s’exécute et revient – légère déception – avec ce bon vieux Buck Robley. Les six hommes entrent alors en collision, et c’est sur ces images que se termine ce programme.
Sacrée semaine pour la Mid-South Wrestling. Au cœur des débats, ce match pour le titre de Champion nord-américain fut le théâtre du heel turn tant attendu de Ted DiBiase, qui a magistralement retourné sa veste face au Junkyard Dog. La promotion prépare également la venue d’André le Géant, et bien plus encore.
– À cette période, il était plutôt rarissime qu’une promotion utilise les images d’une autre fédération concurrente. À notre grand étonnement, surtout au vu des images utilisées – et en provenance de quel territoire – ce fut le cas ce soir. Dans l’optique de construire de l’intérêt pour la récente arrivée de Killer Khan, des séquences inédites de sa rivalité avec André le Géant nous ont été diffusées. Un accord qui fut sans doute conclu avec un certain Vince McMahon Sr. alors président de la World Wrestling Federation. À n’en pas douter un seul instant, son fiston n’aurait jamais accepté cela.
– Enfin. Au terme d’une longue construction et d’une encore plus longue accumulation de frustration, le voilà ce heel turn tant attendu. Fatigué d’être le gentil copain, la bonne main tendue, qui aide tout le monde mais qui perd tout à chaque fois. Lassé d’être le bon con, toujours là pour défendre les autres, alors que personne n’est là pour le défendre lui, Ted DiBiase a retourné son manteau. Et comment.
– Et comme si cela justifiait son acte, ses actions furent récompensées en repartant avec sa ceinture de Champion nord-américain sous le bras. Opposé au Junkyard Dog, dans ce qui s’annonçait comme un combat à la régulière, Ted DiBiase avait bel et bien quelque chose dans le coin de sa tête. Et ce quelque chose, c’est ce mystérieux gant blanc dans lequel on l’a vu insérer un objet illicite pour mettre KO son adversaire. Voyons voir ce que ce nouveau Ted DiBiase peut nous raconter, mais cela me semble d’ores et déjà particulièrement passionnant.
Nathan Maingneur