WORLD CLASS CHAMPIONSHIP WRESTLING #9
17/04/1982
S’offrant un générique tout neuf ainsi que l’introduction de son thème musical cultissime, World Class Championship Wrestling fait peau neuve et rafraîchit son image, optant pour une esthétique plus moderne, sobre et épurée.
– Mark Lowrance est notre hôte et nous accueille dans l’enceinte du Dallas Sportatorium, épicentre du catch au Texas depuis plus de trente ans. Lowrance nous informe alors que des images d’une récente confrontation entre Fritz Von Erich, patriarche et président de la promotion, et le Great Kabuki, seront diffusées.
MATCH 1 : BLACK GORDMAN VS SAL OLIVARES (04:34)
VAINQUEUR : BLACK GORDMAN
PRISE DE FINITION : GRAPEVINE CRADLE
APPRÉCIATION : MATCH DE CATCH PLUTÔT CORRECT
Originaire de Mexico City, Black Gordman est paré d’une longue cape rouge. La semaine dernière, Gordman croisait le fer avec l’une de ses vieilles connaissances, en la personne d’Al Madril. Figure respectée du catch en Amérique latine, en activité depuis le milieu des années 1950, Gordman se mesure à un jeune garçon du nom de Sal Olivares, totalement inconnu au bataillon.
D’emblée, Gordman s’impose avec de sales coups de pied qui plient le jeune Olivares. Le briscard mexicain instaure son rythme et garde le contrôle de la rencontre. Et ce, malgré quelques maigres tentatives d’Olivares. Lassé de se faire marcher dessus, celui-ci se sent pousser des ailes et, soutenu par le public du Sportatorium, s’offre un retour en grâce. De courte durée cependant, puisque Gordman le surprends avec un DDT. Il l’enroule ensuite dans une position plutôt étrange, à mi-chemin entre le petit paquet et la prise au sol dont on a oublié le nom. Et puisque ce n’est ni un tombé, ni une prise de soumission, l’arbitre David Manning choisit alors de faire sonner la cloche, officialisant Gordman victorieux de ce petit match, sans grandes prétentions.
– Ces images ont été enregistrées avant l’ouverture des portes du Sportatorium de Dallas. Debout aux côtés de Mark Lowrance, David Manning est interrogé sur la différence entre l’arbitrage d’un match de lutte amateur et l’arbitrage d’un match de catch professionnel. Il nous parle ensuite des règles d’arbitrage propres à la National Wrestling Alliance, un sujet absolument intéressant. Manning est très à l’aise au micro, et c’est d’autant plus agréable pour nous.
MATCH 2 : AL MADRIL VS CARLOS ZAPATA (07:58)
VAINQUEUR : AL MADRIL
PRISE DE FINITION : FLYING CROSSBODY
INDICATEUR : ** ½
Parodie de Fidel Castro, Carlos Zapata est grimé en opposant politique cubain. Cigare en bouche, treillis militaire, la caricature est poussée jusqu’au bout. Il rencontre ce soir l’une des figures les plus respectées de ce territoire. Originaire de San Bernardino en Californie, Al Madril est un vétéran des rings nord-américains et combat depuis plus d’une décennie en Amérique du Nord.
Les premières minutes du combat sont une démonstration à mettre au crédit de Madril. Il se focalise en effet sur le bras de son antagoniste et ne le lâche plus d’une semelle. C’est l’opposition classique entre le « heel » et le « babyface » et chacun joue son rôle comme il se doit. Zapata reprend le contrôle de la rencontre tandis que le public est à fond derrière Madril, dont la popularité sur ce territoire est invraisemblable. Madril est en déroute et est même poussé dans ses retranchements. Toutefois, celui-ci n’est pas du genre à se laisser faire et se redonne du poil de la bête avec une série de coups de poing. Madril enchaîne et grimpe sur la troisième corde. Il s’élance et réalise un magnifique Crossbody, ce qui lui permet de l’emporter au compte de trois au terme d’un très bon petit combat.
MATCH 3 : KEVIN VON ERICH VS « WILD » BILL IRWIN (09:09)
VAINQUEUR : KEVIN VON ERICH
PRISE DE FINITION : TOP ROPE SUNSET FLIP
INDICATEUR : ** ¾
Champion du Texas, celui qu’on surnomme « Wild » Bill Irwin joue à fond son personnage de cowboy avec son lasso, son chapeau et son gilet à franges. On remarque l’absence de « Captain » Frank Dusek aux abords du ring, lui qui rôde toujours dans les parages quand Irwin est sur le ring. Son adversaire rejoint le ring en se frayant un chemin au travers de la foule du Sportatorium, et en particulier de ces dames, toutes pendues à son cou. Il s’agit de Kevin Von Erich, troisième fils de la fratrie Von Erich et étoile montante de la promotion de son paternel.
Lorsqu’un fils Von Erich se tient entre quatre cordes, on sent immédiatement une tension qu’on ne ressent nulle part ailleurs. Kevin dégage en effet une électricité palpable, et cela se remarque dès les premiers contacts. Impressionnant avec un magnifique saut chassé, Kevin s’emploie ensuite à décrocher l’épaule d’Irwin, s’accrochant à ce bras gauche tout au long de la rencontre. Les échanges sont d’une fluidité remarquable et ni l’un, ni l’autre, ne choisissent de freiner. Fidèle à sa réputation de dur à cuire, Irwin envoie de gros coups de poing qui sonnent le fils Adkisson. Toutefois, Kevin est un Von Erich et ne se laisse pas faire. Bagarreur dans l’âme, Kevin sait aussi cogner, et plutôt fort, même. Il enchaîne avec son Iron Claw et le public est en délire. Irwin s’en sort en rejoignant les cordes mais Kevin la lui porte désormais sur l’abdomen. Encore une fois, Irwin s’en démène et part pour une descente du coude. Kevin l’esquive in-extremis et monte sur les cordes avec l’agilité d’un chat. Il s’envole ensuite dans les airs et enroule Bill Irwin avec un magnifique Sunset Flip qui suffit pour le compte de trois de l’arbitre Bronco Lubich. Excellent combat.
– Au sortir de sa victoire contre le Champion du Texas, Kevin Von Erich est reçu par Mark Lowrance aux abords du ring. Interrogé à propos de ce Sunset Flip, une manœuvre aussi dangereuse qu’incroyable, Kevin dit que c’est son père qui l’a incité à prendre cette prise de risque. Kevin semble plus déterminé que jamais à s’arroger une ceinture de Champion du monde.
Mark Lowrance nous rappelle les événements qui ont eu lieu entre Fritz Von Erich et Great Kabuki lors des derniers mois. Aveuglé à la suite d’une brutale agression et de l’utilisation du « green mist » du japonais, Fritz a obtenu gain de cause en intervenant lors d’un récent combat entre Kabuki et son fils aîné, David Von Erich. Les images de la fin du match nous sont alors diffusées. Pris au piège par le japonais, David put compter sur l’intervention de son paternel. Fou de rage, Fritz s’en est violemment pris à Kabuki avec sa mythique Iron Claw, portée avec une poigne de fer. Inarrêtable, Von Erich n’a rien lâché, alors même que le sang de Kabuki ruisselait sur son visage. Les arbitres ont été repoussés, et ce n’est pas les quelques lutteurs qui ont essayé de s’interposer qui ont eu raison de lui. L’homme qui réussit à les séparer, c’est King Kong Bundy, le dernier protégé de Gary Hart. Les graines sont plantées, affaire à suivre.
– Lorsque les portes du Sportatorium étaient encore fermées, Fritz Von Erich et son fiston Kevin ont adressé quelques mots au micro de Mark Lowrance. Fritz se targue que chacun de ses fils – actifs – ont le potentiel d’être de futurs Champion du monde. Fritz poursuit en promettant de mettre Gary Hart hors d’état de nuire. Kevin semble très fier de tout ce que lui a appris son père et le défendra contre tous ceux qui voudront s’en prendre à lui.
– Comme ça, sorti de nulle part, des images d’archive du territoire de Dallas sont passées à l’écran. Incroyable mais vrai, il s’agit d’images d’un combat de Gorgeous George, qui se mesurait à un certain « Nature Boy ». Je ne sais pas s’il s’agit de Buddy Rogers, puisqu’il ne lui ressemble pas, mais ce n’est pas impossible. Aucune indication quant à la datation de cette rencontre, mais elle a sans doute eu lieu à la fin des années 1940, voire au début des années 1950. Conspué, sifflé de toutes parts, le légendaire Gorgeous George s’était ce soir là imposé sous les huées du public.
MATCH 4 : ARMAN HUSSEIN VS RICHARD BLOOD (04:31)
VAINQUEUR : ARMAN HUSSEIN
PRISE DE FINITION : SENTON
INDICATEUR : * ¾
On termine ce programme avec la présence de l’aristocrate soudanais, Arman Hussein. Il s’était rapidement frotté à la famille Von Erich, sans grand succès. Hussein catche depuis le milieu des années 1960 et a fait sensation sur les rings de Memphis. Ce n’est qu’en ’81 qu’Hussein rejoint le territoire de Dallas. Il rencontrait ce soir un certain Richard Blood, qui n’est pas Ricky Steamboat, et qui s’est récemment frotté au « Nature Boy » Ric Flair, alors de passage au Texas.
La cloche sonne, mais Hussein exige que Blood sorte du ring, afin qu’il puisse procéder à son rituel d’avant-match. Le public conspue logiquement, et le siffle lourdement pendant son « Camel Walk ». Sans doute remonté à cause de toutes ces manières, Blood se lâche et l’envoie s’écraser en dehors du ring. Hussein est directement mis en difficulté au grand bonheur du public. Vieux briscard, Arman en a vu d’autres et calme les ardeurs de Blood avec un gros coup de poing. À partir de là, Hussein reprend le dessus et sèche ce pauvre Richard avec une sale Lariat. Il enchaîne avec une Senton, un peu sortie de nulle part, et l’emporte au compte de trois.
Le 17 avril 1982 semble être une date à marquer d’une pierre blanche pour l’histoire de la World Class Championship Wrestling. Un grand dépoussiérage, une présentation fraîche de ce que la promotion est capable de proposer, cette édition du programme est presque parfaite, c’est dire.
– On l’a déjà écrit à maintes et maintes reprises. Lorsque le catch est écrit simplement, le résultat est d’autant plus efficace. Ce soir, Al Madril et Carlos Zapata nous l’ont démontré en nous offrant une rencontre toute simple, sans fioritures, ni besoin d’en faire trop, bien au contraire. Jouant la carte du « gentil » contre le « méchant » ces deux-là ont embarqué la foule, à fond dedans tout du long. Est-ce que ce ne serait pas là l’essence même de la discipline ?
– Cas similaire pour ce combat entre Kevin Von Erich et « Wild » Bill Irwin, mais à propos d’un tout autre sujet. Par essence, un match de catch se doit d’être intense. Et personne, je dis bien personne, n’est aussi intense que Kevin Von Erich entre les cordes du territoire de Dallas. Petit prodige de la famille Von Erich, Kevin est sans doute celui qu’on attend le moins, mais c’est définitivement celui qui pourrait tous nous surprendre.
– Le générique, le thème d’introduction, l’apparition de plans caméra plus serrés, de gros plans, un meilleur son permis par l’installation de micros en dehors du ring, qu’est-ce qu’il se passe dans la régie de WCCW ? Plus sérieusement, ce petit ravalement de façade est le bienvenu et rafraîchit considérablement l’image de ce programme, qui se faisait parfois un peu poussiéreuse.
– Incroyable mais vrai, ce programme comporte d’authentiques images d’archive relatives à l’histoire du territoire de Dallas. Comble du bonheur, ces images présentaient un certain George Wagner plus connu en tant que Gorgeous George. Légendaire figure culturelle qui a transcendé le monde du catch, son héritage doit être perpétué. Il l’était déjà en 1982, et il l’est encore aujourd’hui.
– La vengeance est un plat qui se mange froid, et le Great Kabuki l’a appris à ses dépens. Blessé et aveuglé à la suite d’un brutale agression et de l’utilisation illégale du green mist du Great Kabuki, Fritz Von Erich a finalement obtenu vengeance en intervenant lors d’une rencontre qui opposait le japonais à son fils, David. Fou de rage, inarrêtable, Fritz n’a pas lâché son Iron Claw, alors même que le sang ruisselait sur le visage de Kabuki. L’homme qui sut l’arrêter, nul autre que King Kong Bundy, qui a su s’imposer face au patriarche de la famille Von Erich. Et au vu du regard de Fritz au moment d’être bousculé par ce grand gaillard, on peut d’ores et déjà s’imaginer la suite des choses. Stay tuned.
Nathan Maingneur