WCCW STAR WARS : THE FRITZ VON ERICH RETIREMENT SPECTACULAR #1

12/06/1982

Juin 1982, les autoradios passent en boucle le nouveau tube du groupe TOTO, Africa. Résonne également sur les ondes le single vedette de la bande-son de Rocky 3, Eye of The Tiger de Survivor. Freddie Mercury, de Queen, s’associe avec David Bowie et nous sort le mythique Under Pressure, alors que les Pointed Sisters font danser le monde avec I’m So Excited. Côté hard-rock et metal, Iron Maiden confronte son Number of the Beast avec le Screaming for Vengeance de Judas Priest. Tout cela ne préfigure pas encore la sortie, en novembre ’82, d’un album qui s’apprête à changer les codes de la musique, et de la pop-culture en général. Il s’agit de Thriller, de Michael Jackson.

Nous sommes le 4 juin 1982. Le ciel est dégagé, pas un nuage en vue du côté de la petite ville d’Irving au Texas. Promoteur de catch de la région, le légendaire Fritz Von Erich, Jack Adkisson de son vrai nom, a choisi de tirer le rideau sur son illustre carrière. Pour l’occasion, la World Class Championship Wrestling organisait cet événement, intitulé The Fritz Von Erich Retirement Spectacular, un gala de catch qui eut lieu sur la pelouse du Texas Stadium, maison mère des Dallas Cowboys. Sur les 65,000 places de ce stade, seulement 6,800 ont été vendues, un chiffre plutôt faible si on le compare aux précédentes éditions de 1972 et 1976.

– Bill Mercer, légendaire commentateur et ring announcer de la WCCW, effectue ce soir sa première apparition télévisée et nous présente ce programme inédit en compagnie de Jay Saldi, ancien joueur des Dallas Cowboys. Sur ce ring dressé sur la pelouse, un certain Marc Lowrance s’occupe des présentations. Aux abords du ring, des techniciens s’affairent encore et tirent des câbles.

MATCH 1 : TEXAS HEAVYWEIGHT CHAMPIONSHIP MATCH : « WILD » BILL IRWIN © VS KEN MANTELL (13:38)

VAINQUEUR : « WILD » BILL IRWIN

PRISE DE FINITION : PROJECTION DANS LE COIN

INDICATEUR : ** ¼

On commence ce programme avec une défense du championnat régional. Il s’agit du titre de Champion du Texas. Le Champion en titre fait claquer son fouet sur le ring et arbore comme à son habitude son chapeau de cowboy et son blouson en cuir. On entend quelques chants « Chauncey » à son encontre, ce qui ne l’enchante guère. Son adversaire ce soir, n’est nul autre que Ken Mantell, vétéran des rings texans et ancien Junior Heavyweight Champion. Très apprécié pour sa proximité avec les foules, Mantell a ce soir l’occasion de remporter ce championnat très prisé.

D’entrée de jeu, Irwin se laisse surprendre par une série de Armdrags placés ici pour nous rappeler que Mantell est affûté. Le challenger domine ainsi les premières minutes du combat et le Champion a bien du mal à rester concentré. Il reprends toutefois l’avantage avec un sale Bicycle Kick que Mantell se mange de plein fouet. Irwin manque de peu d’en finir avec un brise-dos, mais Mantell en a encore sous le capot. Il se retire même à temps de la grosse descente du genou d’Irwin, sa prise de finition. Fin technicien, il se concentre désormais sur les jambes d’Irwin et ne le lâche plus d’une semelle (littéralement). L’effort précède un Spinning Toe Hold, dont Irwin se dégage avec force, envoyant Mantell contre le coin. Tête première contre cette protection de coin, Mantell est sonné et Irwin l’enroule alors pour le compte de trois. La décision ne semble pas trop plaire au public, mais c’est ainsi. Solide match d’ouverture permis par une opposition simple entre un heel et un face, un schéma simple, mais toujours si efficace.

MATCH 2 : 7-MAN BODYSLAM BATTLE ROYAL : ANDRÉ LE GÉANT VS AL MADRIL VS « WILD » BILL IRWIN VS JOSÉ LOTHARIO VS THE SPOILER VS JOHN THIBBEDEUX VS BUGSY MCGRAW W/ARMAN HUSSEIN (05:44)

VAINQUEUR : ANDRÉ LE GÉANT

PRISE DE FINITION : BODYSLAM

INDICATEUR : * ½

C’est de ce genre d’affiches qui participent à la grandeur de l’événement. Sur ce ring, on compte pas moins de sept lutteurs, plus ce diable d’Arman Hussein. Ainsi, on retrouve Al Madril, José Lothario, The Spoiler et « Wild » Bill Irwin, qui a vraisemblablement décidé de remettre le couvert. Un imposant garçon se trouve également sur ce ring. Il s’agit de John Thibbedeux, une sorte de Haystacks Calhoun du pauvre, et texan, qui plus est. Culminant à plus de 2,15m de hauteur, André le Géant est aussi de la partie, de même que son ennemi juré du moment, en la personne de Bugsy McGraw.

Impatient à l’idée d’en découdre, André n’attends même pas le son de la cloche et se jette immédiatement sur Bugsy. Le Spoiler essaie alors de les séparer, mais se retrouve projeté au sol, éliminé par un enfourchement. Thibbedeux et Bugsy se battent ensuite en dehors du ring, tandis qu’André dégage Lothario. De retour sur le ring, Bugsy s’allie avec Irwin et ensemble, ils éliminent l’imposant Thibbedeux. André se retrouve alors entremêlé entre les cordes, tandis que Madril s’en prends à Bugsy. Étonnamment, c’est Madril qui est éliminé, tandis qu’André, qui s’est remis sur pieds, sort Irwin. Il n’en reste alors plus que deux, et ce sont les ennemis du moment, Bugsy et André. Sous les encouragements d’Hussein, Bugsy essaie de soulever André, mais le géant est trop lourd. Au bout de trois tentatives, c’est finalement André le Géant qui l’emporte en envoyant son adversaire au sol avec un gros Body Slam. Et les hurlements d’Arman Hussein ne pourront rien changer, c’est bien André qui repart avec les 10,000 dollars promis au vainqueur.

– On retourne cette fois-ci dans le – je suppose – Sportatorium de Dallas, pour un instant promo. Bill Mercer conduit l’interview et recevait alors les World’s Tag Team Champions de la WCCW, Al Madril et Kerry Von Erich. Madril nous sort le speech habituel des babyfaces, et conclut en affirmant qu’ils ne sont pas prêts de perdre leurs ceintures. Kerry ajoute que les titres doivent être défendus partout dans le monde. Bonne promo, surtout de la part de Kerry.

C’est ensuite au tour de Bugsy McGraw de passer au micro de Bill Mercer. Champion de la catégorie Brass Knuckles de la WCCW, Bugsy nous offre une promo plutôt intéressante et même avant-gardiste sur certains sujets, allant à cet égard jusqu’à chercher une forme d’introspection du public. Très bonne promo également.

MATCH 3 : ALL ASIA TAG TEAM CHAMPIONSHIPS MATCH : THE GREAT KABUKI & THE MAGIC DEAGON W/GARY HART VS KEVIN VON ERICH & DAVID VON ERICH © (15:01)

VAINQUEURS : THE GREAT KABUKI & THE MAGIC DRAGON

PRISE DE FINITION : DÉCISION DE L’ARBITRE

INDICATEUR : *** ¼

De retour sur la pelouse du Texas Stadium, quatre hommes occupent le ring. Dans l’un des coins, se tiennent Kevin et David Von Erich, les aînés de la famille. Ultra populaires, ils sont accueillis sous les hourras du public. Champions Tag Team All Asia, titres remportés lors d’un run à la All Japan Pro Wrestling – même s’il agit ici de la version nord-américaine de ces titres – ils affrontent ce soir un redoutable duo de challengers, composé du Magic Dragon et du Great Kabuki, guidés par le sinistre Gary Hart.

Fruit d’une longue et intense rivalité, à laquelle plusieurs membres de la famille Von Erich ont pris part, Kevin commence face à Kabuki et parvient difficilement à retenir ses coups. En difficulté, car pris de court par la vivacité du Great Kabuki, Kevin fait rentrer son grand frère David qui remet les pendules à l’heure. Sur le ring, les frères Von Erich arborent deux styles distincts, totalement différents. Kevin est plus élancé, svelte et apte à voltiger entre les cordes, et est même assez innovant pour l’époque. De son côté, David est grand mais est un meilleur lutteur au sol. Leur point commun, c’est qu’ils savent se bagarrer. Ils nous le démontrent d’ailleurs avec brio. Kabuki et le Dragon se relayent et essayent d’isoler les frangins Von Erich. En déroute de longues minutes durant, David passe le hot tag à son petit frère Kevin, qui réussit à porter sa célèbre Iron Claw sur Kabuki, alors que le public d’Irving est en délire. Dans le tumulte, l’un des deux arbitres est accidentellement projeté en dehors du ring. C’est le foutoir, et dans le feu de l’action, David projette le Dragon par-dessus les cordes, ce qui est évidemment interdit. Sur le ring, Kabuki subit une souplesse arrière, l’arbitre compte 1..2.. et 3 ! Les Von Erich ont triomphé, la foule est transie ! Sauf que..

– Sauf que l’arbitre envoyé en dehors du ring revient, et affirme avoir vu David balancer le Dragon par-dessus les cordes. Il en informe alors Bronco Lubich, qui a alors la lourde responsabilité de renverser la décision. Le public siffle, hue et conspue cette manœuvre du corps arbitral, mais le verdict est tombé comme un couperet. Encore pire, les Von Erich se voient injustement retirés leurs ceintures, à leur grand désarroi, et à celui d’une foule en colère. À juste titre.

Bill Mercer et Jay Saldi rendent l’antenne et nous donnent rendez-vous pour la semaine prochaine, et la suite de ce WCCW Star Wars.

Première partie du Fritz Von Erich Retirement Spectacular, ce programme enregistré sur la pelouse du Texas Stadium est un inédit et peut tout à fait être considéré comme un must see. Une Battle Royal festive, rehaussée de la présence d’André le Géant, de bons, voire de très bon combats, c’est tout ça et bien plus encore, que nous proposait la World Class Championship Wrestling.

– Rien de mieux, pour un tel événement, que de réussir à faire venir la plus grosse attraction possible et imaginable de l’époque, en la personne d’André le Géant. Familier des rings de la WCCW, André était alors provoqué, depuis de longues semaines, par Bugsy McGraw et son terrible manager. Alors quoi de tel, pour régler ses comptes, que de le faire sur la pelouse du Texas Stadium et à ciel ouvert. C’est une certitude, André est, et sera toujours une attraction hors-normes.

– L’attraction principale de cette première partie, c’est évidemment ce match à quatre lors duquel les titres de Champions Tag Team All Asia étaient remis en jeu. Opposant David et Kevin Von Erich au terrible duo composé du Great Kabuki et du Magic Dragon, le combat a tenu toutes ses promesses et ce, malgré une fin en eau de boudin, qui aurait totalement pu générer une émeute dans une plus petite arène. Mais la rencontre en elle-même, en plus de nous ramener David Von Erich, est un petit condensé de tout ce qui fonctionnait sur ce territoire.

– À cet égard, la présence de David Von Erich sur ce territoire, et plus précisément à cette période, est une petite rareté. En 1982, l’aîné des Von Erich boys catche essentiellement sur les rings de la Floride et en heel, en Tag Team avec Dory Funk Jr. Et cette situation était plutôt délicate, car même si Internet et les réseaux sociaux n’existaient pas, la World Class craignait que les fans le découvrent par le biais des magazines. La solution de secours apportée par la promotion fut bancale, et a consisté à dire que les fans floridiens tenaient rigueur à David à cause d’une victoire un peu trop écrasante des Dallas Cowboys dans les Playoffs de la NFC. Pourquoi pas, après tout.

– À cette période, ce genre d’événements plus grands que nature n’était pas monnaie courante dans le paysage nord-américain du catch professionnel. Se rangeant ainsi dans la lignée de ces quelques grands spectacles pre-WrestleMania, et à l’instar du Showdown at Shea de la World Wrestling Federation, la WCCW s’offrait ici une belle démonstration de force, en même temps qu’un magnifique hommage rendu à l’une de ses figures les plus légendaires, en la personne de Fritz Von Erich. Son combat de retraite contre King Kong Bundy, sera diffusé lors du prochain épisode, de même que cet admirable rencontre entre Kerry Von Erich et le Champion NWA d’alors, Harley Race.

Nathan Maingneur